"Et puis viendra l’hiver osseux,
Le maigre hiver expiatoire,
Où les gens sont plus malchanceux
Que les âmes en purgatoire."
Extrait du poème Un village, d'Emile Verhaeren.
Il va cette fois-ci falloir prendre notre courage à deux mains et prévoir des vêtements très très
chauds, mais le jeu en vaut la chandelle : le ciel d'hiver nous réserve en effet nombre de merveilles. Afin
de rendre l'épreuve supportable, nous nous limiterons toutefois à des soirées relativement courtes, au cours
desquelles nous n'apprendrons qu'une ou deux nouvelles constellations. Nous utiliserons pour cela la carte
n°5. Je mets également à votre disposition,
pour chaque soirée d'observation, une carte qui se limite à la région étudiée.
Avertissement : je pars ici du principe que les constellations circumpolaires sont assimilées Si tel n'est pas cas, je vous invite à pallier de toute urgence cette impardonnable lacune.
Première soirée : Cocher
(carte disponible ici !)
Une belle constellation nous attend, très facile à identifier grâce à son étoile principale.
Il s'agit du Cocher !,
qui dans la mythologie grecque était associé à Érichthonios, fils d'Héphaïstos et de Gaïa.
Ce dernier aurait inventé le quadrige, char attelé à quatre chevaux placés de front, d'où sa
présence bien méritée sur la voûte céleste.
Bon, cela ne nous dit toujours pas où il se trouve... Nous allons le localiser à partir de la
constellation de la Grande Ourse : en prolongeant environ cinq fois le segment constitué
des étoiles Megrez et Dubhe, nous tombons sur Capella, sixième étoile la plus
brillante du ciel. Cette dernière est censée figurer la chêvre Amalthée, qui allaita Zeus
durant son enfance, et que le cocher porte maintenant (et pour l'éternité) sur l'une de ses épaules.
Une fois repérée l'étoile Elnath (qui appartient au Taureau), délimiter la constellation du
Cocher est un vrai jeu d'enfant. Ceci étant fait, prenons le temps de l'observer aux jumelles : elle
abrite en effet plusieurs
amas ouverts
Les amas ouvert sont des groupes d'étoiles situés dans le plan de la Galaxie, le plus
souvent dans les bras spiraux, comportant quelques dizaines à plusieurs milliers d'étoiles. Ces
dernières, nées au coeur de vastes nébuleuses, finissent par se disperser au bout de quelques
centaines de millions d'années. Les amas ouverts ne sont donc pas des structures pérennes.
Le plus connu d'entre eux, l'amas des Pléïades (image ci-dessus), se trouve à environ 440 a.l.
de la Terre.
relativement lumineux (notamment M36,
M37 et
M38).
Nous avons atteint l'objectif que nous nous étions fixé. Bonne nuit à toutes et à tous et à bientôt !
Deuxième soirée : Lynx et Gémeaux
(carte disponible ici !)
Nous commencerons cette soirée d'observation par la constellation des Gémeaux
!, très facile à repérer,
histoire de nous mettre en jambes.
Prolongeons l'axe matérialisé par Megrez, Merak et Talitha : nous tombons
sur une étoile relativement lumineuse, Castor, à proximité de laquelle se trouve un astre qui
la surpasse en éclat, Pollux. Il s'agit des célèbres Dioscures, enfants de Zeus et de
Léda dont vous découvrirez l'histoire en vous rendant ici
!.
Si l'on poursuit notre route dans la même direction (axe Megrez - Castor), nous
rencontrons la belle Alhena, située à l'autre extrémité des Gémeaux. Avant d'en finir avec
cette constellation, voici un petit truc mnémotechnique permettant de ne pas confondre Castor et
Pollux : Castor est du côté de Capella, tout simplement.
Bien entendu, nous n'allons pas nous arrêter en si bon chemin : un noble et mystérieux félin nous attend... Pour le débusquer, il suffit de localiser Elvashak*, étoile la plus brillante de cette constellation : elle forme un triangle équilatéral (à peu de chose près) avec les étoiles Tania Borealis et Talitha. Quant aux autres étoiles, moins lumineuses, elle dessinent une ligne sinueuse entre la Grande Ourse, les Gémeaux et le Cocher.
La constellation du Lynx !, aussi discrète que l'animal qu'elle est censée représenter, est relativement récente : on la doit à l'astronome polonais Johannes Hevelius (1611-1687), qui la créa dans le seul but de combler un espace vide.
Voilà, vous savez tout. Je vous souhaite donc une bonne nuit et vous dis à bientôt !
Troisième soirée : Persée
(carte disponible ici !)
Après les Gémeaux et le Cocher, c'est donc la constellation de Persée ! qui va ce soir retenir notre attention. Elle est facile à repérer, et les alignements figurant sur la carte ci-dessous vont grandement nous y aider. Tout d'abord, l'axe Menkalinan - Capella nous indique dans quelle direction porter notre regard. Ensuite, les étoiles Tsih* et Ruchbah permettent de localiser Mirfak, étoile la plus brillante de la constellation de Persée. Enfin, la droite matérialisée par Elnath et Hassaleh nous montre où se trouve l'étoile variable portant le nom d'Algol, astre mystérieux dans lequel les Grecs voyaient la tête de la Gorgone Méduse. Si l'on continue dans cette direction, nous croisons Almach, étoile plutôt lumineuse appartenant à la constellation d'Andromède (voir "Les constellations d'automne").
Si nous reportons deux fois le segment défini par Tsih et Ruchbah, nous découvrons
un astre d'aspect nébuleux : il s'agit en réalité du double amas de Persée, constitué de deux
amas ouverts
Les amas ouvert sont des groupes d'étoiles situés dans le plan de la Galaxie, le plus souvent dans
les bras spiraux, comportant quelques dizaines à plusieurs milliers d'étoiles. Ces dernières, nées au coeur de
vastes nébuleuses, finissent par se disperser au bout de quelques centaines de millions d'années. Les amas
ouverts ne sont donc pas des structures pérennes.
Le plus connu d'entre eux, l'amas des Pléïades (image ci-dessus), se trouve à près de 440 al de la Terre.
distants d'environ 7200 années-lumière. Je vous conseille vivement de l'observer aux jumelles (ou mieux encore
dans un télescope, si vous en avez la possibilité), le spectacle est grandiose !
Dans la mythologie grecque, Persée était le fils de Zeus et de Danaé. Il est célèbre pour avoir tué la Gorgone Méduse et délivré la princesse Andromède alors qu'elle allait se faire dévorer par une vilaine bestiole envoyée par le dieu Poséidon (voir ici !).
Et bien voilà, nous connaissons une constellation de plus ! Il est temps maintenant d'aller manger une bonne raclette, histoire de nous réchauffer et de reprendre des forces. Bonne soirée et bonne nuit à toutes et à tous !
Quatrième soirée : Taureau
(carte disponible ici !)
Nous allons au cours de cette soirée tâcher de découvrir la constellation du Taureau !, ainsi que le splendide amas d'étoiles qu'elle recèle en son sein. Mais ne grillons pas les étapes....
Nous connaissons déjà Elnath, qui se trouve à "cheval" sur le Taureau (auquel elle appartient) et le Cocher. Pas très loin d'elle, dans le prolongement de l'axe T-P (Tejat-Propus), nous rencontrons une étoile portant un nom chinois, Tianguan, bien connue des astronomes amateurs car elle sert de point de repère pour trouver la nébuleuse du Crabe (M1 dans le catalogue de Messier). Toujours dans le prolongement de ce même axe, nous tombons sur une étoile plutôt brillante, présentant une belle couleur orangée : il s'agit d'Aldebaran, géante orange 45 fois plus grande que le Soleil, qui représente l'un des yeux du Taureau. Elle est accompagnée d'un groupe d'étoiles (auquel elle n'appartient pas) connu sous le nom de Hyades qui, distant d'environ 150 années-lumière de la Terre, est l'amas d'étoiles le plus proche de la Terre.
A proximité des Hyades, un autre amas se présente sous la forme d'un petit "nuage", à l'intérieur duquel les observateurs jouissant d'une bonne vue peuvent distinguer jusqu'à douze étoiles (personnellement, je n'en distingue aucune, d'où le nom de mon site). Il s'agit de l'amas des Pléiades, dont la distance est estimée à 440 années-lumière. Une simple paire de jumelles vous le révèlera dans toute sa splendeur (il est par contre trop étendu pour être observé au télescope).
Dans la mythologie grecque, le Taureau représentait l'animal sous les traits duquel Zeus apparut à Europe, princesse phénicienne dont il tomba follement amoureux. Vous découvrirez cette histoire en vous rendant ici !. Quant aux Pléiades, il s'agissait de sept soeurs, filles du Titan Atlas et de l'Océanide Pleione. Pourchassées des années durant par le chasseur Orion, colosse lubrique dont l'appétit sexuel était littéralement insatiable, elles furent transportées sur la voûte céleste par Zeus qui, sensible à leur triste sort, finit par les prendre en pitié.
Nous avons atteint notre objectif, aussi allons nous en rester là... Bonne nuit tout le monde et à bientôt !
Cinquième soirée : Orion
(carte disponible ici !)
C'est une "super-star" qui nous attend ce soir, la constellation d'Orion ! étant l'une des plus belles (pour ne pas dire la plus belle) de toute la voûte céleste. La trouver est enfantin : non seulement elle comporte nombre d'étoiles très brillantes, mais certains alignements rendent son repérage encore plus aisé. On peut en effet s'appuyer sur les axes Pollux-Alhena ou Capella-Elnath : dans tous les cas, nous arrivons à destination. Tous les chemins mènent à Orion !
Deux étoiles particulièrement brillantes sortent du lot : Bételgeuse, supergéante rouge pratiquement mille fois plus grande que le Soleil, et Rigel, qui appartient à la famille des supergéantes bleues. Se souvenir de leurs couleurs repectives est on ne peut plus simple : Bételgeuse commence par un "B" comme Rouge, tandis que Rigel commence par un "R" comme Bleu.
A mi-chemin entre Betelgeuse et Rigel se trouvent trois étoiles quasiment alignées et d'éclat sensiblement égal, formant un astérisme ! appelé ceinture (ou baudrier) d'Orion. En-dessous de cette ceinture se trouve l'épée d'Orion, au centre de laquelle on peut distinguer, à l'aide d'une simple paire de jumelles, une petite tache blanchâtre : bienvenue dans la nébuleuse d'Orion (M 42 dans le catalogue de Messier), gigantesque nuage de gaz large d'une trentaine d'années-lumière, rendu lumineux par les jeunes étoiles nées en son sein. Il s'agit peut-être du plus bel objet qu'il soit donné d'observer dans un télescope d'amateur, où il prend l'aspect d'un grand oiseau diaphane aux ailes déployées.
Dans la mythologie grecque, Orion était un géant qui excellait à la chasse. Il en était d'ailleurs conscient et c'est ce qui causa sa perte : afin de lui infliger une leçon, la déesse Artémis fit sortir de Terre une créature monstrueuse... mais je n'en dirai pas davantage ! Si vous voulez connaître le dénouement de cette histoire, vous n'avez qu'à vous rendre ici !).
Soyons raisonnables : il est temps de rentrer et de se glisser sous une bonne couette bien chaude. Je vous souhaite donc une bonne nuit et vous dit à bientôt !
Sixième soirée : Grand Chien, Petit Chien et Licorne
(carte disponible ici !)
Le géant Orion, dont nous venons de découvrir la constellation, est accompagné sur la voûte céleste
de ses fidèles chiens de chasse. Commençons par la constellation du Grand Chien
! : le repérage de celle-ci
est évident puisqu'elle héberge l'étoile la plus brillante du ciel nocturne, à savoir... Sirius !
Profitons-en pour clarifier un point : l'étoile du berger est certes plus brillante que Sirius, mais
il s'agit d'une planète (Vénus) et non d'une étoile, donc elle ne compte pas.
Quant à la constellation du Petit Chien
!, elle n'est pas en reste
puisqu'elle abrite elle aussi une étoile très brillante appelée Procyon.
Les trois étoiles les plus lumineuses de cette région, c'est-à-dire Sirius, Betelgeuse et Procyon, forment un triangle équilatéral quasi-parfait, astérisme connu sous le nom de Triangle d'hiver.
Juste en dessous de Sirius, un "petit" amas d'étoiles (M 41 dans le catalogue de Messier) n'attend qu'une chose : être observé aux jumelles. Ce dernier, distant d'environ 2300 années-lumière, abrite une petite centaine d'étoiles, parmi lesquelles figurent nombre de géantes rouges.
Pour en finir avec Sirius, signalons que cette dernière était également connue sous le nom de Canicula, qui signifie "petite chienne" en italien (du latin "canis"). Voilà l'origine du terme "canicule" : dans l'antiquité, les astronomes remarquèrent en effet que lorsque l'étoile Sirius (Canicula) se levait juste avant le Soleil (au début du mois de juillet), cela annonçait l'arrivée des grandes chaleurs.
Les deux petites étoiles visibles en bas à gauche du Grand Chien (Azmidi et Tureis) appartiennent à la constellation de la Poupe, mais comme l'on en voit qu'une toute petite partie depuis la France, nous la laisserons tout bonnement de côté (il faudrait nous rendre dans l'hémisphère sud pour être en mesure de l'observer dans son entier).
Au point où nous en sommes, nous ne pouvons ignorer l'un des plus grands astérismes de la voûte céleste, le "grand G céleste", constitué des étoiles Aldebaran, Capella, Castor, Pollux, Procyon, Sirius, Rigel, Bellatrix et Betelgeuse. Le voici dans toute sa splendeur...
Nous allons clore cette soirée par la recherche d'une constellation qui ne présente absolument aucun intérêt à l'oeil nu, mais comme nous nous sommes promis (je ne sais plus quand) de ne laisser aucune zone d'ombre, nous nous efforcerons de la trouver. La Licorne, puisque tel est son nom, n'est associée à aucune mythologie, sa création remontant au tout début du XVIIè siècle. Constituée d'étoiles peu lumineuses, elle est essentiellement localisée dans la région délimitée par le triangle d'hiver, ce qui facilite bien les choses.
Bien que peu engageante à première vue, elle contient cependant une magnifique "pouponnière d'étoiles", la nébuleuse de la Rosette, à l'intérieur de laquelle resplendit un amas de jeunes étoiles que l'on peut découvrir à l'aide d'une paire de jumelles. Pour ce qui est de distinguer la nébuleuse, c'est une autre affaire : cela demande de disposer d'un télescope d'au moins 200 mm de diamètre, d'un ciel parfait, et d'un bon filtre UHC (qui élimine l'essentiel de la polltion lumineuse). Mais nous nous égarons...
C'est sur cette vision enchanteresse que nous allons nous quitter, alors faites de beaux rêves et à bientôt...
Septième et dernière soirée : Lièvre et Eridan
(carte disponible ici !)
Ces deux constellations étant assez discètes, nous les localiserons à partir de la constellation d'Orion.
Le Lièvre
!
est vraiment facile à trouver, puisqu'il se trouve juste en-dessous
d'Orion. Dans l'Egypte antique, cette petite constellation représentait la barque d'Osiris, dieu civilisateur
que les égyptiens considéraient comme l'inventeur de l'agriculture. Il faut attendre l'intervention d'Eudoxe
de Cnide, au IVè siècle av J.-C., pour qu'elle devienne le Lièvre.
Bon, je l'avoue, ce lapin est là uniquement pour meubler un espace vide...
Dernière étape avant de regagner nos pénates : la constellation de l'Eridan
!
qui, selon les époques et les auteurs, représente tantôt le Nil, tantôt le Pô, quand ce n'est pas le
Rhône ou encore le "fleuve d'Orion".
Depuis la France, nous ne voyons qu'une portion de cette constellation, la partie la plus australe restant
constamment cachée sous l'horizon. Située à "droite" des constellations d'Orion et du Lièvre, elle est
constituée d'étoiles très peu lumineuses (seules Cursa et Zaurak sortent timidement du lot).
On peut donc se contenter de repérer approximativement la région dans laquelle se trouvent ces dernières,
sans forcément chercher à les identifier toutes. Quant à Menkar, elle appartient à la constellation
de la Baleine (voir "Les constellations d'automne").
Nous voilà enfin au bout de nos peines, le ciel d'hiver n'a maintenant plus aucun secret pour nous (ou presque...). Nous avons amplement mérité d'aller boire un bon chocolat chaud, mais attention, l'aventure est loin d'être terminée : les constellations de printemps nous attendent !
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