Il y a fort longtemps, vivait en Phénicie une charmante donzelle prénommée Europe (bien entendu,
je vous parle d'un temps que les moins de 2 500 ans ne peuvent pas connaître). Fille d'Agénor, roi de Tyr
et fils de Poséidon, cette dernière menait une petite
vie tranquille pour ne pas dire routinière, partageant l'essentiel de son temps libre entre les cours de
bouzouki (instrument très proche de la tambouritza, dont il se différencie par les frettes fixes, l'ouïe
centrale et le son plus métallique) et les sorties entre copines.
Cette existence paisible aurait pu se poursuivre ainsi des années durant, seulement voilà,
ce coquin de Marcel Zeus, toujours en quête d'aventures extraconjugales, rôdait dans les parages ! Quel
tour pendable allait-il jouer cette fois-ci ? Le suspens étant à son comble, découvrons tout cela sans
plus attendre.
Par une belle journée de printemps, alors qu'elle se promenait sur la plage, la princesse se
retrouva soudain nez à nez (nez à mufle pour être exact) avec un superbe taureau, qu'elle prit d'abord
pour un lapin tant sa couleur - blanche - était inhabituelle. La psychologie bovine n'était certes pas son
domaine de prédilection, mais l'animal paraissait - pour autant qu'elle puisse en juger - animé de bonnes
intentions, aussi s'en approcha-t-elle sans crainte. Lorsqu'elle arriva à sa hauteur, le taureau mit
genoux à terre, semblant l'inviter à grimper sur son dos. Sa robe étant assortie au pelage de l'animal,
elle se dit qu'après tout cela ne coûtait rien d'essayer.
C'est là que les choses commencèrent à se gâter : à peine était-elle installée sur le dos de l'animal,
que ce dernier bondit comme un ressort et fila en direction de la mer. Europe s'accrocha à ses cornes
tandis qu'il entrait dans les flots impétueux, fendant l'eau tel un hors-bord. Quelle mouche l'avait donc
piqué ? La dure réalité s'imposait brutalement à la princesse : elle venait de se faire enlever. Par
qui ? Pour quel motif ? Nul besoin d'être devin : tout cela sentait le Marcel Zeus à plein nez ! Le
taureau nagea ainsi jusqu'en Crète, où il reprit enfin sa forme divine. "Je me suis donné tout ce mal
pour toi, poupée, alors pas de blague !", lança-t-il d'un ton péremptoire. La jeune fille, qui n'en
menait pas large, ne sut que répondre à cela.
Zeus s'installa avec elle chez Astérios, roi de Crète, qui leur prêta un superbe appartement avec
vue sur la mer. Les semaines, puis finalement les années passèrent.
Europe coula des jours heureux, recevant régulièrement la visite de son divin amant qui lui donna
trois fils : Minos, futur roi de Crète, Rhadamante, qui devint l'un des trois juges des enfers après
sa mort, et Sarpédon, appelé à devenir roi des Lyciens. A chaque naissance,
Zeus se mit en quatre pour trouver une idée de cadeau original (il faut dire qu'il avait les moyens) : une
lance qui atteignait toujours sa cible, un chien (Laelaps) qui ne perdait jamais la trace de sa proie, et
enfin Talos, un géant de bronze qui montait bonne garde et chassait de Crète tout étranger dont la carte
de séjour n'était pas en règle. Quelques années plus tard, lorsqu'Astérios demanda la main d'Europe, Zeus
la lui accorda de bon coeur, faisant ainsi de cette dernière la reine de Crète.
Quand celle qui fut jadis son amante atteignit un âge canonique et que sa vie ne tînt plus qu'à
un fil, Zeus nomma Europe le continent englobant la Grèce et l'ensemble des pays hyperboréens, afin de
perpétuer son souvenir dans le coeur des hommes. Le Taureau, symbole de leurs amours passées, ne
fut pas oublié puisqu'il figure en bonne place sur la voûte étoilée, juste à côté de la
constellation d'Orion.
Astronomie pour les myopes -
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