Astronomie pour les myopes

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Mesurer la Terre - Chapitre 8

Jean Picard et l'astronomie de précision

Nous voilà déjà à la fin du Grand Siècle, celui du roi Louis XIV et de Jean-Baptiste Colbert, ministre d'Etat qui va s'occuper de l'administration du royaume pendant plus de vingt ans. Comprenant que les progrès scientifiques ne peuvent que contribuer à accroître la puissance de la France, ce dernier crée en 1666 l'Académie des sciences, qui deviendra en 1699 l'Académie royale des sciences.
Lors de sa première séance, tenue le 22 décembre 1666, l'Académie décide de se doter d'un observatoire astronomique, afin de "contribuer à la perfection de la Géographie et de la Navigation". Les plans du bâtiment, tracés sur le sol le jour du solstice d'été 1667, sont établis par l'architecte Claude Perrault, frère de Charles Perrault, auteur des célèbres Contes de ma mère l'Oye (Cendrillon, le chat botté, le petit Poucet...). Claude, également médecin et anatomiste, connaîtra une fin quelque peu sordide : on raconte en effet qu'il serait mort d'une septicémie contractée lors de la dissection d'un chameau atteint d'une maladie infectieuse. Eratosthène a dû se retourner dans sa tombe...

Observatoire de Paris
Observatoire de Paris et tour de Marly vers 1691

L'orientation de l'observatoire n'est pas choisie au hasard, puisque son axe de symétrie est destiné à servir de référence pour le méridien de Paris, méridien à partir duquel seront déterminées les longitudes.

Colbert ne perd pas de temps : dès 1668, il charge la toute jeune Académie d'effectuer une nouvelle mesure du méridien, afin d'établir une carte plus précise du Royaume, et accessoirement de connaître la taille exacte de la Terre. Jean Picard va apporter dans ce domaine une importante contribution, en améliorant les performances des instruments scientifiques. En collaboration avec l'astronome Adrien Auzout, il munit les quadrants de lunettes à réticules (petits fils permettant d'effectuer des visées plus précises), portant ainsi la géodésie à un degré de précision encore jamais atteint. C'est avec ce matériel qu'il triangule l'arc de méridien s'étendant de la ferme dite de Malvoisine (environ 40 km au sud de Paris) au village de Sourdon (près d'Amiens), prenant comme base la distance séparant Villejuif et Juvisy-sur-Orge, villes alors reliées par un chemin pavé en ligne droite (voir ici !).




Il va déterminer la différence de latitude séparant ces deux lieux (Malvoisine et Sourdon) à l'aide d'un instrument appelé secteur, visible sur l'image ci-contre. Pour effectuer ces mesures de latitude, il s'appuie sur l'observation de l'étoile Ruchbah (delta Cassiopée) dont il détermine la distance zénithale (angle qu'elle fait avec la direction du zénith) lorsqu'elle passe au méridien supérieur, c'est-à-dire au moment où elle est le plus haut dans le ciel (on dit qu'elle culmine).
Au final, il trouve qu'un degré d'arc de méridien vaut 57 060 toises (il utilise la nouvelle toise du Châtelet qui, après avoir été modifiée en 1668 par Colbert, vaut 1,949 m), résultat qu'il expose en 1671 dans un ouvrage intitulé La mesure de la Terre !. Exprimée dans nos unités actuelles, cela nous donne 57 060 x 1,949 = 111 209 mètres, soit 111,21 km. On en déduit aisément la valeur de la circonférence terrestre : 40 035 km (111,21 x 360), valeur étonnamment proche de celle admise de nos jour, à savoir 40 008 km (en suivant un méridien, c'est-à-dire en passant par les pôles !). Bien entendu, les calculs de Picard reposent sur l'idée que la Terre est une sphère parfaite ce qui, nous allons vite le découvrir, n'est pas rigoureusement exact.

secteur de Picard

Petite parenthèse : ces résultats, bien que prefectibles, ne vont pas tomber dans l'oreille d'un sourd, puisqu'ils vont permettre à l'anglais Isaac Newton de confirmer par le calcul sa théorie de la gravitation universelle. Tout est lié...

Pour en revenir à Louis XIV, ce dernier va également demander aux membres de l'Académie de dresser la carte du royaume de France avec la plus grande précision possible. Jouissant d'une certaine notoriété, c'est en toute logique que Jean Picard, assisté du mathématicien Philippe de La Hire, se voit confier cette importante mission. Bénéficiant d'une solide expérience dans ce domaine, il envisage de couvrir tout le pays d'un vaste canevas de triangles. Malheureusement, cet ambitieux programme devra attendre plusieurs années avant d'être mis à exécution, la mort emportant successivement l'abbé Picard (le 12 octobre 1682) et Jean-Baptiste Colbert (le 6 septembre 1683).
Mais il est temps de poursuivre notre route...

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