Né à Hambourg en 1747, l'astronome allemand Johann Elert Bode (1747-1826) est surtout connu pour la loi à laquelle il a donné son nom. Autodidacte très doué, il est mis en relation avec le mathématicien Johann Georg Büsch, qui remarque ses aptitudes et lui ouvre les portes de sa bibliothèque, riche de plus de 3000 ouvrages. En 1772, alors qu'il n'a que 25 ans, il publie la deuxième édition d'un traité intitulé Anleitung zur Kentniss des Gestirnten Himmels ("Instructions pour la connaissance du ciel étoilé"), dans lequel il établit un lien mathématique entre le rang des planètes (1 pour Mercure, 2 pour Vénus, etc...) et leur distance par rapport au Soleil.
Il l'ignore, mais l'astronome allemand Johann Daniel Titius
a énoncé quelques années auparavant un principe similaire, principe auquel nous donnons aujourd'hui le
nom de loi de Titius-Bode
!.
Pas de jaloux ! La validité de cette loi empirique est d'abord confirmée lors de la découverte,
en 1781, de la planète Uranus (c'est d'ailleurs à Bode qu'elle doit son nom), avant d'être finalement
démentie en 1846, lorsque Neptune fait son entrée en scène : le rayon de l'orbite de cette dernière
ne correspond en effet pas du tout à celui prédit par ladite loi. A la fin du XVIIIè siècle, c'est
pourtant bien cette même loi qui va inciter les astronomes à rechercher - dans l'espace séparant les
orbites de Mars et Jupiter - la planète censée occuper le cinquième rang. L'existence d'un tel astre
justifierait au passage la présence de cet immense vide de près de 500 millions de km, que le Créateur
n'a pu placer là sans une bonne raison ! D'ailleurs, ne sait-on pas depuis Aristote que la nature a
horreur du vide ? Curieusement, ces conceptions erronées vont conduire à la découverte, en 1801, du
tout premier astéroïde, nommé Cérès par son découvreur, l'abbé Giuseppe Piazzi.
Depuis, on a détecté plus de 700 000 petits corps dans cette vaste région, appelée pour cette raison
ceinture d'astéroïdes.
Revenons à nos constellations. En 1787, Bode est nommé directeur de l'observatoire de Berlin, poste qu'il occupera jusqu'en 1825, date à laquelle il donnera sa démission en raison de problèmes de vue de plus en plus invalidants (il perdit l'usage de son oeil droit alors qu'il était jeune, suite à une maladie). En 1801, il publie l'Uranographia !, catalogue d'étoiles comportant une vingtaine de gravures sur cuivre, marquant ainsi la fin d'une époque en matière de cartographie stellaire, où l'on considère que la dimension artistique d'un tel ouvrage a autant d'importance que la rigueur scientifique, les deux approches étant complémentaires. Les atlas qui suivront seront alors beaucoup plus austères, privilégiant l'aspect technique au détriment de l'esthétique, qui passera progressivement au second plan. Chassées des manuels scientifiques, les figures mythologiques trouveront néanmoins refuge dans des publications à vocation purement artistique et décorative, essentiellement destinées aux profanes.
Bode introduit une nouveauté dans l'Uranographia : il est le premier à délimiter le contour des constellations, à l'aide de lignes pointillées, visibles notamment sur l'image ci-dessous. Une centaine de constellations figurent dans cet atlas, parmi lesquelles bon nombre finiront par disparaître purement et simplement. Citons pour mémoire l'Aérostat, l'Atelier de typographie, le Chat, la Grive solitaire (qui deviendra la Chouette), la Harpe de George, le Loch, la Machine électrique, le Messier, le Quadrant mural, le Renne, le Sceptre de Brandebourg et le Télescope d'Herschel.
Vous découvrirez, en vous rendant sur cette page !, nombre de constellations devenues obsolètes, aujourd'hui tombées dans l'oubli.
Les contours des constellations apparaissent également dans le Celestial Atlas
!,
ouvrage de l'écrivain écossais Alexander Jamieson (1782-1850), à propos duquel
nous ne savons que fort peu de choses, si ce n'est
que parallèlement à une carrière d'enseignant, il rédige nombre de manuels scolaires, parmi lesquels
figurent deux grammaires qui connaissent plusieurs éditions. C'est en 1822 qu'il fait éditer à
Londres son Celestial Atlas, dédié au roi d'Angleterre Georges IV. Connaissant un certain succès,
cet atlas s'inspire de ceux de Flamsteed et de Bode, et même s'il n'apporte aucune nouveauté sur le plan
scientifique, les illustrations, nettement plus abouties que celles de ses prédécesseurs, en font
l'un des plus beaux atlas de cette époque. Une centaine de constellations y sont représentées mais,
une fois encore, certaines d'entre elles n'ont pas survécu à l'épreuve du temps : qui se souvient de
Norma Nilotica (instrument employé pour mesurer la profondeur du Nil), de
Noctua !
(la Chouette), ou encore de Solarium (le Cadran solaire),
que Jamieson substitua au Reticulum de Lacaille ?
Ayant à coeur de populariser l'astronomie auprès de ses élèves, Jamieson publie également une
version simplifiée de son Celestial Atlas, destinée aux écoles : n'y figurent que les dessins des
constellations mais pas les étoiles, que les élèves doivent placer eux-même après avoir examiné
la version originale de l'atlas.
Le Celestial Atlas fait rapidement des émules, puisque deux ans après sa parution, soit en 1824, l'éditeur Samuel Leigh publie un curieux ouvrage, l'Urania's Mirror !, dont les illustrations sont d'une ressemblance frappante (bien que moins belles) avec celles de Jamieson. De petit format (20 cm x 14 cm), celui-ci est constitué de 32 cartes à jouer sur lesquelles figurent les 79 constellations visibles depuis la Grande Bretagne, perforées à l'emplacement des étoiles les plus brillantes, ce qui permet, lorsqu'une carte est orientée vers une source de lumière, de simuler la vision de la constellation correspondante !. Chose étrange, seul le nom du graveur - Sidney Hall - est rendu publique, l'auteur des dessins étant resté, pour une raison inconnue, dans l'anonymat le plus complet. On pense alors qu'il s'agit d'une femme, mais on hésite sur son identité : s'agit-il de Caroline Herschel, soeur et assistante du célèbre William Herschel, ou de Mary Somerville, scientifique écossaise à qui l'on doit une traduction anglaise de la Mécanique Céleste du mathématicien Pierre Simon de Laplace ?
Le halo de mystère entourant cette énigme finira par se dissiper, mais pas avant l'année 1994, où l'on découvre enfin le pot aux roses : l'auteur était en fait un homme, le révérend Richard House Bloxam, illustre inconnu. Pourquoi une telle discrétion de sa part ? Peut-être craignait-il simplement d'être accusé de plagiat par Jamieson, les illustrations de l'Urania's Mirror faisant plus que s'inspirer de celles du Celestial Atlas, comme on peut le constater sur l'image ci-dessous...
Nous évoquerons enfin succintement la figure de l'astronome américain Elijah Hinsdale Burritt, aujourd'hui tombé dans l'oubli. Né en 1794 au Connecticut, il exerce d'abord le dur métier de forgeron, mais un accident du travail le contraint à mettre fin à cette activité. Il profite de cette ''opportunité'' pour renouer avec sa passion d'enfance, l'astronomie, et suivre des cours au Williams College. L'astronomie c'est bien, mais cela ne nourri pas son homme, aussi se rend-il en 1819 en Géorgie afin d'étudier le cours du fleuve Chattahoochee, frontière naturelle séparant la Géorgie de l'Alabama. En butte à la mentalité de l'époque (la Géorgie, état du sud, est alors esclavagiste), il finit par regagner le Connecticut où, avec l'aide de son frère, il ouvre une école et se consacre à l'étude de l'astronomie, ce qui l'amène à publier, en 1833, The Geography of the Heavens (la "Géographie des Cieux"), avant tout destinée aux étudiants. Tandis que le premier volume traite de l'histoire des constellations, de leur description, ainsi que des astres du système solaire, le second volume, dernier grand atlas céleste illustré du XIXè siècle, comporte huit planches représentant les constellations dessinées par Burritt lui-même.
Aventurier dans l'âme, Elijah Burritt connait une fin relativement tragique : en 1837, il se rend au Texas dans l'intention d'y faire fortune, mais après un voyage particulièrement éprouvant (son bateau manque de faire naufrage), il attrappe la fièvre jaune et meurt à Houston dans les premiers jours de l'année 1838, alors qu'il n'est âgé que de 44 ans.
Le temps des atlas célestes richement illustrés est maintenant bel et bien révolu. Il faut
toutefois attendre le congrès de Rome de 1922 pour que l'UAI (Union astronomique internationale),
seul organisme habilité à nommer les astres, approuve la liste des 88 constellations officielles,
et 1930 pour que l'astronome Eugène Delporte, de l'observatoire royal de Belgique,
fixe les limites modernes des constellations - en suivant les lignes de déclinaison et d'ascension
droite - dans un document intitulé Délimitations scientifiques des
constellations. Il se réfère dans ce document à l'année 1875, ce qui explique
que les limites des constellations sur une carte moderne soient légèrement inclinées par rapport
au système de coordonnées équatoriales, la
précession des équinoxes
Mouvement d'oscillation de l'axe de rotation
de la Terre sur une période de 25 800 ans, dû à l'attraction gravitationnelle que la Lune et le
Soleil exercent sur le renflement équatorial de notre planète. Actuellement, dans l'hémisphère Nord,
l'axe de rotation de la Terre pointe en direction de l'étoile située au bout de la queue de la
Petite Ourse, appelée pour cette raison "étoile polaire" (ou Polaris). Il y a environ
3 000 ans, alors que les Egyptiens construisaient leurs pyramides, c'était une étoile de la
constellation du Dragon, Thuban, qui faisait office d'étoile polaire. Dans 8 000 ans, cette
tâche sera dévolue à l'étoile Deneb, puis ce sera au tour de Véga, dans 12 000 ans. Et enfin,
dans un peu plus de 25 000 ans... mais je vous laisse le soin de deviner la suite.
ayant depuis fait son oeuvre.
Il resterait encore bien des choses à raconter sur ce vaste sujet. Les constellations chinoises notamment, totalement différentes de celles que nous connaissons en occident, ont été passées sous silence, leur étude étant abordée en annexes de façon très succinte.
Astronomie pour les myopes -
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