Le fer (Z = 26)

Le fer possède 28 isotopesOn appelle isotopes des atomes ayant le même nombre de protons, mais qui différent par leur nombre de neutrons. connus. Toutefois, seuls quatre d'entre eux sont stables : le fer 54 (54Fe), le fer 56 (56Fe), le fer 57 (57Fe) et le fer 58 (58Fe), le plus abondant étant de loin le fer 56 (91,7% de tout le fer).
Très abondant dans la croûte terrestre, dont il représente environ 5% de la masse, le fer occupe la quatrième place. Il est également le sixième élément le plus abondant dans l'Univers

Origine du fer

Le fer est synthétisé dans le coeur des vieilles étoiles massives (au moins huit masses solaires) arrivées au stade de la fusion du silicium, ce qui signifie qu'il ne leur reste que quelques heures à "vivre". La température centrale atteint alors trois à quatre milliards de kelvins, et les photons gammas produits lors des réactions nucléaires sont tellement énergétiques qu'ils parviennent à briser des noyaux complexes : on parle de réactions de photodissociation. C'est ainsi que sous l'action de ces photons, certains noyaux de silicium (formés lors de la fusion de l'oxygène) éjectent des particules alpha (noyaux d'hélium) :

28Si + rayons gamma --> 24Mg + 4He

Ces particules alpha sont ensuite réabsorbées par d'autres noyaux de silicium, induisant une chaîne de réactions produisant successivement du soufre 32, de l'argon 36, du calcium 40, du titane 44, du chrome 48, du fer 52, et enfin du nickel 56, selon le mécanisme suivant :

28Si + 4He ---> 32S + rayons gammas

32S + 4He ---> 36Ar + rayons gammas

36Ar + 4He ---> 40Ca + rayons gammas

40Ca + 4He ---> 44Ti + rayons gammas

44Ti + 4He ---> 48Cr + rayons gammas

48Cr + 4He ---> 52Fe + rayons gammas

52Fe + 4He ---> 56Ni + rayons gammas

La chaîne de réactions s'arrête là, car le nickel 56 et l'hélium ne peuvent pas fusionner : non seulement cela ne produirait aucune énergie, mais cela en consommerait. Par contre, le nickel 56 étant instable, il subit deux désintégrations ß+Lors d'une désintégration ß+, un proton (p) se transforme en neutron (n) avec émission d'un positron (e+) (l'équivalent d'un électron, mais chargé positivement) et d'un neutrino (ve) :
p+ ---> n + e+ + ve
Cette transformation n'affecte donc pas le nombre de masse de l'atome concerné, mais augmente de 1 son n° atomique, ce qui le fait avancer d'une case dans la classification périodique.
successives, qui aboutissent à la formation de fer 56, élément le plus stable de la classification périodique :

56Ni (demi-vie = 6 jours) ---> 56Co (demi-vie = 77 jours) ---> 56Fe (stable)

En raison de cette stabilité, la fusion du fer est impossible car elle est endothermique, c'est-à-dire qu'elle nécéssiterait un apport d'énergie pour avoir lieu. Au coeur de l'étoile, la pression de radiation due aux réactions de fusion devient dès lors insuffisante pour contrebalancer l'effet de la gravité qui tend à comprimer l'étoile. Le coeur de cette dernière va donc littéralement imploser, initiant une série de processus donnant naissance à une supernova de type II (dite à "effondrement de coeur"), au cours de laquelle un ensemble de réactions nucléaires va produire des éléments au-delà du fer : on appelle cela la nucléosynthèse explosive.

Voilà pour les supernovae de type II. Ces dernières ne sont toutefois à l'origine que d'une partie du fer (environ un tiers) présent dans l'Univers. Le reste (les deux autres tiers) est synthétisé lors de l'explosion de naines blanches (supernovae de type Ia) dont la masse finit par atteindre la limite de Chandrasekhar (1,4 masses solaires), en raison d'un apport extérieur de matière provenant d'une autre étoile.

Un peu d'histoire

Certains métaux ont joué un rôle tellement important dans le développement de notre civilisation qu'ils ont donné leur nom à une période de l'histoire. Tel est le cas du fer dont l'usage, attesté depuis environ 1 200 av J.-C. en Anatolie, s'est développé en Europe de l'Ouest et du Nord à partir de 800 av J.-C., marquant ainsi le début de ce que l'on appelle l'âge du fer, qui s'étend en gros de 800 av J.-C. à 50 av J.-C.. Cela étant dit, des objets en fer remontant à l'âge du bronze (de 2 700 av J.-C. à 800 av J.-C.) semblent avoir été forgés à partir de fer d'origine météoritique, à l'instar de la fameuse dague trouvée dans la tombe du pharaon Toutankhamon (mort vers 1327 av J.-C.).

Dague de Toutankhamon
Dague de fer trouvée sur la momie de Toutankhamon
Crédit : Olaf Tausch

Plus anciens encore, des objets en fer non météoritique datés de 2500 av J.-C. ont été retrouvés en Anatolie centrale, également dans une tombe. Toutefois, selon certaines sources, la métallurgie de fer serait peut-être apparue (indépendamment) en Afrique subsaharienne. La question de son origine est donc loin d'être tranchée.
Durant l'âge du bronze, l'homme utilise déjà certains métaux tel que l'or, l'argent, le cuivre et l'étain, ces derniers existant à l'état natif (c'est-à-dire non combiné à d'autres éléments). Le fer au contraire doit être extrait de différents minerais, ce qui nécessite l'emploi de fours permettant d'atteindre des températures relativement élevées, obtenues en superposant des couches de charbon de bois et de minerais de fer. Ce type de four, appelé bas fourneau, sera utilisé jusqu'au Moyen Age. La production de fer se fait alors en une seule étape : on appelle cela le procédé direct.

Bas fourneau au Moyen Age
Bas fourneau au Moyen Age

Le fer ainsi obtenu permet non seulement de confectionner des armes plus solides, mais il contribue au développement de l'agriculture : les outils agricoles (charrues, haches, faux...) étant plus robustes, ils favorisent l'expansion des terres cultivables, et par conséquent l'essor démographique. Produit en petites quantités, il est cependant de piètre qualité car les bas fourneaux ne permettent pas de monter suffisamment en température (guère plus de 1 200°C). On en tire une masse pâteuse appelée loupe, qu'il faut marteler longuement afin de séparer le fer des scories provenant de la combustion. L'ordre cistercien n'aura de cesse d'améliorer cette technologie et jouera un rôle considérable dans sa diffusion à partir du XIè siècle. Les fours, de plus en plus grands, sont construits en pierres et produisent des loupes beaucoup trop grosses pour être martelées à la main. S'il faut en croire les archives c'est en 1135 qu'apparaissent, à l'abbaye de Clairvaux, les premiers marteaux mécaniques entrainés par la roue d'un moulin à eau. Dans certaines forges, les marteaux pourront peser jusqu'à 300 kg, avec une cadence de 120 coups à la minute ! Afin d'entretenir la combustion, il faut également disposer d'une soufflerie, actionnée elle aussi par l'énergie hydraulique. Bien que d'une grande efficacité, ce type de four présente un gros défaut : il faut régulièrement évacuer le laitier (scories provenant de la combustion), sans quoi l'aération se fait moins bien et le fer risque d'absorber trop de carbone, ce qui le rend beaucoup plus difficile à travailler.

Soufflerie de bas fourneau
Soufflerie actionnée par
l'énergie hydraulique.
Agricola, De re metallica - 1556

Au Moyen Age, l'emploi du fer s'étend à de nombreux domaines : il est utilisé notamment pour renforcer les charpentes, pour fabriquer les herses de châteaux forts, et s'avère incontournable en serrurerie. Il est également très présent sur les chantiers de construction des églises et des cathédrales gothiques, où de nombreuses tiges en fer (agrafes, tirants...) sont utilisées pour consolider les structures en pierres et maintenir les vitraux en place. Il faut cependant attendre le début du XVè siècle en Occident pour voir apparaître les tout premiers hauts-fourneaux (en Chine, cette innovation est connue depuis le Vè siècle). Associés à de puissants soufflets, ils permettent d'atteindre des températures plus élevées (environ 1 600°C) qu'avec les bas fourneaux et d'obtenir de la fonte à l'état liquide, qui permet de mouler facilement des objets tels que des marmittes, des plaques de cheminées, ou encore des boulets de canons. A partir de la Renaissance, la fonte favorisera également l'apparition d'éléments purement décoratifs (balcons, rampes d'escaliers, colonnettes de balustrades, etc...), contribuant ainsi au développement de la ferronnerie d'art, qui culminera au XVIIIè siècle avec le style baroque.

Boulet de canon en fonte
Boulet de canon en fonte
(fin XVè - XVIIè siècle ?)
Crédit : Birmingham Museums Trust, Tom Brindle

La fonte n'a toutefois pas les mêmes caractéristiques que le fer : riche en carbone (elle en contient plus de 2%), elle s'avère cassante et ne peut être forgée. Il faut donc l'affiner, c'est-à-dire retirer le carbone en excès afin de la transformer en fer, ce qui nécessite un second foyer : on appelle cela le procédé indirect puisqu'il faut maintenant deux étapes pour produire le fer. Pour ce que l'on en sait, cette technique aurait été élaborée en Wallonie (région francophone du sud de la Belgique) vers le milieu du XIVè siècle, avant de se diffuser dans le reste de l'Europe. L'idée est la suivante : la fonte est extraite du haut fourneau, puis grossièrement moulée sous forme de blocs appelés "gueuses". A l'aide de longs crochets (les "ringards"), les gueuses sont ensuite transférées dans le second foyer, où l'on envoie de grandes quantités d'air à l'aide de soufflets, ce qui provoque l'oxydation du carbone contenu dans la fonte. Cette opération présente cependant le même inconvénient que les bas fourneaux, à savoir que la loupe de fer ainsi produite doit être martelée afin de la débarasser des scories.

Bien entendu, la méthode va connaître de nombreuses évolutions par la suite. Dans un premier temps, le charbon de bois sera concurrencé par la houilleLa houille, autrefois appelée charbon de terre, est une roche sédimentaire contenant entre 75 et 90 % de carbone. Elle est employée comme combustible depuis le XIè siècle. (XVIIè siècle), mais cette dernière donne une fonte de mauvaise qualité, car elle contient souvent de petites quantités d'éléments indésirables tels que le soufre qui, contrairement au carbone, ne peut être oxydé par l'air : n'étant pas éliminé, il se retrouve donc dans le fer, qu'il fragile.
Au cours du XVIIIè siècle, l'utilisation du coke, obtenu par pyrolyseLa pyrolyse consiste à décomposer un matériau organique en le portant à haute température, mais en l'absence d'oxygène afin qu'il ne brûle pas. de la houille, va progressivement s'étendre. On attribue généralement son invention au métallurgiste anglais Dudd Dudley (un brevet est déposé en 1619), mais il n'y a pas de certitude à ce sujet. Toujours est-il que c'est la crainte de manquer de bois, ce dernier étant réservé à la construction des bateaux, qui aurait poussé les britaniques à trouver une alternative au charbon de bois.
L'image ci-dessous représente la coupe d'une meule à coke, à l'intérieur de laquelle on peut distinguer des blocs de houille disposés autour d'une cheminée en briques. La méthode est en tout point similaire à celle qui permet d'obtenir du charbon de bois (voir ici !).

Meule à coke
Coupe d'une meule à coke

Le métallurgiste anglais Abraham Darby met au point le premier haut fourneau au coke en 1709, dans le village de Coalbrookdale, près de Birmingham. Au début, le procédé peine à s'imposer car bien que le coke présente certains avantages (dans le fourneau, il résiste mieux à l'écrasement que le charbon de bois), il peut contenir des traces de soufre, à l'instar de la houille dont il est issu. Le charbon de bois est réputé fournir une fonte de meilleure qualité, aussi faudra-t-il attendre une cinquantaine d'années avant que le coke ne parvienne à le remplacer définitivement.
Les descendants d'Abraham Darby poursuivront ses travaux, donnant une véritable impulsion à la révolution industrielle en Angleterre. Marchant sur les traces de son père, Abraham Darby II fournit de la fonte à la société du forgeron Thomas Newcomen, inventeur d'une pompe aspirante actionnée par la vapeur, utilisée pour pomper l'eau au fond des mines de charbon. La fonte remplace alors avantageusement le cuivre, métal relativement coûteux. Quant à Abraham Darby III, il produit dès 1767 des rails en fonte (jusque là, les rails étaient en bois), et construit à Coalbrookdale le premier pont en fonte de l'histoire européenne, l'Iron Bridge, qui enjambe la Severn.

Iron Bridge, sur la Severn
Iron Bridge, sur la Severn
Crédit : Nilfanion

En France, les premiers instruments de dimension industrielle voient le jour à la fin du XVIIè siècle (nous pouvons citer, à titre d'exemple, la Grande Forge de Buffon, située en Côte-d'Or), mais il faut attendre le mois de janvier 1769 pour que le chimiste français Gabriel Jars parvienne à produire, à Hayange (en Moselle), de la fonte en utilisant du coke (le fameux coke gaulois), technique qu'il est allé apprendre en Angleterre auprès de deux maîtres de forges, les frères Wilkinson (John et William).

Haut fourneau à Hayange
Haut fourneau exploité à Hayange, en 1849
Crédit : William F. Durfee

Cherchant de nouveaux débouchés sur le continent, William Wilkinson passera plusieurs contrats avec le gouvernement français afin de construire des fonderies de canons, l'une à Indret (près de Nantes), l'autre au Creusot (en Saône-et-Loire), qui deviendra en 1790 le plus grand complexe métallurgique d'Europe continentale.
En 1784, le maître de forges anglais Henry Cort met au point une technique de décarburation de la fonte appelée puddlage (de l'anglais "puddle" signifiant brasser) où un ouvrier, le "puddleur", est chargé de brasser la fonte à l'aide d'un ringard.

Un puddleur au travail
Un puddleur au travail, vers 1919
Crédit : National Photo Company Collection, Library of Congress

La fonte est alors affinée dans un four à réverbération où la chaleur, dégagée par de la houille (et non plus par du charbon de bois), est réverbérée par une voûte en direction d'une autre zone, celle où se trouve la fonte. Cette dernière n'entre donc plus en contact avec le combustible, ce qui lui évite d'être à nouveau contaminée par le soufre. Le procédé, plus efficace que celui au charbon de bois, permet de fabriquer en grandes quantités du fer à faible teneur en carbone.
Une autre avancée consiste à préchauffer l'air envoyé dans le haut fourneau : l'industriel écossais James Beaumont Neilson constate en effet qu'un gaz brûle mieux dans l'air chaud que dans l'air froid. Brevetée en 1828, son invention permettra de faire de substancielles économies de charbon.

Le XIXè siècle peut être considéré comme l'âge d'or de la fonte et du fer dans la construction. Présentant une bonne résistance au feu, on l'utilise dès 1830 pour fabriquer les planchers et les combles des théâtres parisiens, afin de limiter la propagation des flammes en cas d'incendie. La fonte, bien que dure et cassante, résiste bien à la pression : on l'utilise principalement pour confectionner des colonnes (dans les gares, les usines, les marchés couverts...). Quant au fer puddlé, beaucoup plus malléable et résistant à la traction, on en fait grand usage dans la construction : charpentes, ponts, serres de grande taille (comme celle du Jardin des Plantes), sans oublier la tour Eiffel, surnommée à juste titre la "Dame de fer".

La tour Eiffel
La tour Eiffel, en cours de construction (mai 1888)

La construction de structures ayant un poids de plus en plus important (ponts, bâtiments) va ensuite imposer l'usage de l'acier, beaucoup plus résistant que le fer, ce dernier étant trop malléable en raison de sa très faible teneur en carbone. Tout cela sera rendu possible grâce aux travaux de l'ingénieur anglais Henry Bessemer, qui met au point (en 1856) le premier convertisseur, espèce de grosse cuve métallique, doublée intérieurement de briques réfractaires, où la fonte est affinée par de l'air injecté sous pression. Quand le taux de carbone est jugé satisfaisant, on arrête le processus.

Henry Bessemer
Henry Bessemer

En plus du carbone, de nombreux éléments indésirables (manganèse, du silicium) vont être oxydés, ce qui fait monter la température dans le convertisseur. La fonte va alors rapidement devenir liquide, contrairement à ce qui se passe dans les fours à réverbération, où elle reste à l'état solide. Ceci offre un gain de temps considérable : alors qu'il fallait près 24 h pour traiter la fonte dans le four à réverbère, une demi-heure suffit avec le convertisseur de Bessemer. Toutefois, celui-ci ne peut pas traîter les fontes de Lorraine, trop riches en phosphore. Le problème sera résolu en 1877, par les anglais Sidney Gilchrist Thomas et Percy Carlyle Gilchrist, qui mettrons au point le convertisseur dit "Thomas-Gilchrist", ou plus simplement convertisseur Thomas.

Convertisseur Bessemer
Convertisseur Bessemer - Ohio, 1941
La flamme est due à la combustion du carbone
Crédit : Alfred T. Palmer

Convertisseur Thomas
Convertisseur Thomas, opérationnel de 1954 à 1964 (Dortmund).
La cornue (cuve) pèse à elle seule 68 tonnes !
Crédit : Rainer Halama

Alors produit en grandes quantités, l'acier voit son prix de revient baisser considérablement, ce qui permet d'envisager son utilisation à l'échelle industrielle, notamment pour construire des édifices de grande taille tels que des musées, des bibliothèques, mais également des gratte-ciel.

Home Insurance Building à Chicago
Le 1er gratte-ciel, le Home Insurance Building,
est construit à Chicago en 1885,
par l'architecte William Le Baron Jenney.
Crédit : Chicago Architectural Photographing Company

Cependant, les convertisseurs Bessemer et Thomas présentent le même défaut : en raison des grandes quantités d'air employé pour décarburer la fonte, ils produisent un acier trop riche en azote, ce qui péjore ses qualités. D'autre part, si la fonte ne contient pas suffisamment d'impuretés à oxyder, la température monte moins rapidement, ce qui peut avoir pour effet de figer le mélange dans la cuve. Pour pallier cet inconvénient, il faut parfois ajouter du carbone afin de faire monter la température (carbone qu'il faudra retirer par la suite). Voilà pourquoi ces convertisseurs ne sont plus utilisés aujourd'hui, les derniers ayant cessé de fonctionner dans les années 1960.

Petit retour en arrière. En 1864, le français Pierre-Émile Martin met au point un four à réverbération permettant de faire fondre un mélange de fonte et de ferrailles recyclées. Il s'appuie pour cela sur les travaux d'un allemand émigré en Angleterre, Carl Wilhelm Siemens. Le principe de ce four repose sur le préchauffage des gaz de combustion. Alors qu'il faut environ 30 minutes à un convertisseur pour traiter la fonte, le four Siemens-Martin nécessite près de 8 heures pour effectuer ce travail, mais il permet d'obtenir un acier de meilleure qualité, ce dernier ne contenant pratiquement pas d'azote dissous. En 1950, ce procédé assurait près de 80% de la production mondiale.

Une autre méthode, mise au point au sortir de la seconde guerre mondiale, est le procédé Linz-Donawitz (plus simplement procédé LD), où l'affinage de la fonte se fait à nouveau à l'aide d'un convertisseur, dans lequel on injecte du dioxygène pur sous pression, directement dans le métal en fusion, à l'aide d'une lance. En 2014, ce procédé était à l'origine de 73% de la production mondiale. L'avantge de ce système est qu'on peut y ajouter jusqu'à 25% de ferraille, cette dernière étant meilleur marché que la fonte.
Il est également possible de produire de l'acier et de recycler les métaux à l'aide d'un four à arc électrique, qui utilise la chaleur produite par des arcs électriques.

Le fer dans le système solaire

Le coeur de notre bonne vieille Terre (et celui des autres planètes), contient principalement du fer. Le noyau interne, également appelé graine, est une boule de 2400 km de diamètre, constituée de 80% de fer et de 20% de nickel. Bien qu'il y règne une température d'environ 6000°C, il est maintenu dans l'état solide par une pression de plus de trois millions de bars. Quant au noyau externe, d'environ 4500 km de diamètre, il se trouve dans l'état liquide. Constitué lui aussi de fer (à plus de 80%), on pense qu'il est parcouru par des courants électriques, qui seraient responsables du champ magnétique de la Terre.
Les météorites métalliques, appelées sidérites, contiennent également (et même principalement) du fer et du nickel, dans des proportions qui varient d'un type de météorite à l'autre (de 50 à 90% de fer).

Echantillon de la météorite Campo del Cielo
Une petite météorite métallique (446 g).
Collection personnelle

La météorite ci-dessus n'est qu'un petit fragment du Campo del Cielo, groupe de météorites métalliques tombées en Argentine, il y a probablement plus de 4000 ans, et "découvertes" en 1576 par les conquistadors espagnols. Quant ils demandèrent aux Indiens où ils trouvaient le fer avec lequel ils fabriquaient leurs armes, ces derniers répondirent qu'il était tombé du ciel, dans un endroit appelé "Champ du Ciel". Le morceau le plus lourd pèse à lui seul 37 tonnes, ce qui en fait la deuxième plus grosse météorite connue après celle de Hoba (en Namibie), dont la masse est estimée à 60 tonnes (il s'agit du plus gros bloc de fer naturel à la surface de la Terre).
C'est une météorite métallique, la météorite du cap York, qui permit aux Inuits d'entrer dans l'âge de fer au VIIIè siècle. Seuls trois morceau étaient connus à l'époque, mais le plus gros d'entre eux (appelé Anhighito, c-à-d "la tente") pèse tout de même 31 tonnes. Apparemment, les Inuits tapaient dessus avec des pierres afin d'en extraire des morceaux, avec lesquels ils fabriquaient des armes et des outils. Pas de chance pour eux, en 1894, l'explorateur Robert Peary réussit à mettre la main dessus et à les vendre au Musée Américain d'Histoire Naturelle, à New York. Cupidité, quand tu nous tiens...

Robert Peary et la météorite Anhighito
Robert Peary et la météorite Anhighito, en 1897
Crédit : Robert E. Peary

Un point sur lequel les indiens avaient raison : les météorites, qu'elles soient métalliques ou rocheuses, tombent bel et bien du ciel. Plus précisément, les météorites métallique proviennent du coeur d'astéroïdes différenciés ayant été détruits lors de violentes collisions. Explications.
A l'instar des planètes, les astéroïdes se sont formés par accumulation progressive de matériaux divers (silicates, métaux, glace...). Ce processus, appelé accrétion, libère beaucoup de chaleur. Si l'astéroïde est de petite taille, il refroidit rapidement et n'évolue pratiquement pas dans le temps. Si par contre il est de grande taille, la chaleur s'évacue beaucoup plus lentement, ce qui maintient l'intérieur de l'astre partiellement fondu. Sous l'effet de la gravité, les matériaux les plus denses (métaux) vont migrer progressivement vers le centre alors que les moins denses remontent vers la surface : l'astéroïde est alors différencié. Dans la ceinture principale d'astéroïdes, située entre Mars et Jupiter, il y a vraissemblablement des millions d'astéroïdes, dont la taille est comprise entre quelques mètres et quelques centaines de kilomètres de diamètre (voir animation !). Bien qu'ils disposent d'énormément de place, il arrive parfois qu'il y ait des collisions, qui les fragmente en une multitude de morceaux plus petits. Certains débris peuvent être éjectés de la ceinture d'astéroïdes et être amenés, au cours de leurs pérégrinations dans l'espace, à croiser le chemin d'une planète (par exemple celui de la Terre) et à s'écraser à leur surface, donnant ainsi naissance à une (ou plusieurs) météorites, du moins pour ceux qui n'ont pas été pulvérisés par la force de l'impact. Le métal étant beaucoup plus solide que la roche, il est normal que les plus grosses météorites connues soient métalliques puisqu'elles résistent mieux au dit impact.

Propriétés du fer

Le fer tire son nom du latin ferrum, apparenté à firmus qui signifie ferme ou solide. C'est un métal ductile (il peut être étiré sans se rompre) et malléable (il peut être applati sous forme de lame ou de feuille) que l'on peut facilement modeler à froid (pas besoin de le fondre). Il est d'ailleurs trop malléable pour être utilisé tel quel, à l'état pur, raison pour laquelle on doit lui ajouter un peu de carbone, histoire de le rendre plus résistant : on parle d'acier lorsque le taux de carbone est compris entre 0,025% et 2,1%, et de fonte si ce taux est compris entre 2,1 et 6,67%.
La masse volumique du fer est de 7,86 g.cm-3, et sa température de fusion de 1538°C.

Le fer se corrode facilement, c'est pourquoi on ne le trouve pas à l'état natif. Attaqué par les acides, il présente une certaine affinité pour le dioxygène, avec lequel il peut former différents oxydes :

- l'oxyde ferreux, ou oxyde de fer (II) (de formule FeO), se présente sous forme de poudre noire inflammable

- l'oxyde ferrique, ou oxyde de fer (III) (Fe2O3), est l'un des constituants de la rouille

Oxyde de fer (II)
Oxyde de fer (II)               -                Oxyde de fer (III)

- l'oxyde magnétique (Fe3O4), ou oxyde de fer (II, III) naturellement présent dans la magnétite, est une combinaison des deux oxydes précédents

Quand à la rouille, mélange d'oxydes et d'hydroxydes de fer, elle se forme lentement sous l'action combinée de l'eau et du dioxygène. Etant poreuse et friable, elle ne protège donc pas le fer qui peut être corrodé en profondeur, à l'image de cette vieille épave de voiture.

Voiture rouillée
Crédit : Hannes Grobe

Le fer est l'un des quatre éléments du tableau périodique qu'un aimant peut attirer : on dit qu'il est ferromagnétique. Les trois autres éléments sont le cobalt, le nickel et, dans une moindre mesure, le gadolonium. Le fer conserve cette propriété jusqu'à la température de 768°C (on appelle cela sa température de Curie) ; au-delà, il n'est plus attiré par les aimants.

Le fer intervient dans le transport de l'oxygène le transport de l'oxygène dans le sang par l'hémoglobine. Il contribue également à réduire la fatigue, et au bon fonctionnement de notre système immunitaire. On considère généralement qu'un homme adulte en contient environ 4 g.

Globules rouges
Globules rouges

Production industrielle du fer

A venir (il faut juste patienter)...


Quelques exemples d'utilisation du fer

- Le fer forgé est très pauvre en carbone, ce qui le rend facile à travailler. Aujourd'hui, il est pricipalement utilisé pour fabriquer des objets décoratifs : balcons, grilles, meubles, rampes d'excaliers, serrures...

Viaduc de Garabit
Le viaduc de Garabit, construit dans les années 1880
par Gustave Eiffel, contient plus de 3000 tonnes
de fer forgé (puddlé).
Crédit : J.Thurion

- La fonte, nous l'avons vu, contient entre 2,1 et 6,67% de carbone. C'est ce qui la rend si dure. Elle a longtemps été utilisée (et l'est encore aujourd'hui) pour fabriquer des radiateurs, des bancs, des cheminées, des poêles... mais son usage a tendance à tomber en désuétude.

Presse à reliures
Presse en fonte pour reliures de livres

Près de 98 % de la production de fer est destinée à l'élaboration de l’acier, alliage de fer et de carbone (dont la teneur est alors comprise entre 0,025 et 2,1%). Plus il y a de carbone, plus l'acier est dur. Quand l'acier l'acier est composé principalement de fer et ce carbone, on parle d'acier au carbone ou d'acier non allié. Ce dernier présente l'avantage d'être peu coûteux et très résistant, mais il est sensible à la corrosion, c'est pourquoi on ajoute généralement d'autres métaux à l'acier (aciers alliés).

- Plus de la moitié de l'acier produit est utilisé par le secteur du bâtiment et de la construction : ponts, chemins de fer, buildings, gares, tunnels... Il y est fait principalement usage d'aciers non alliés, ce qui nécessite de prendre des mesures face aux problèmes de corrosion : couche de peinture, zingageLe zingage consiste à recouvrir le fer d'une couche de zinc qui va s'oxyder à la place du fer qu'il protège. Dans cette technique, le zinc est déposé uniquement à la surface du fer., galvanisation à chaudDans la galvanisation à chaud, le zinc n'est pas seulement déposé à la surface du fer, mais il pénètre l'acier sur quelques dizaines de microns d'épaisseur, ce qui offre une meilleure protection que le zingage....

Golden Gate Bridge
La construction du Golden Gate (1933-1937) nécessita près de 75 000 tonnes d'acier
Crédit : Peter Craig

- Arrivent en seconde position les domaines du transport et de la construction de machines (pelles mécaniques, tracteurs, grues...). Rien que dans le secteur automobile, on estime qu'une voiture de 1500 kg contient près 900 kg d'acier (répartis entre la carrosserie, le train de transmission, les suspensions...). Dans le transport maritime l'acier tient également une place très importante : il intervient notamment dans la fabrication des coques de bateaux et des conteneurs de transport de marchandises.

Porte-conteneurs
Navire porte-conteneurs
Crédit : Paul Harrison

Afin d'améliorer les qualités de l'acier, on peut lui ajouter de petites quantités d'autres métaux, en fonction des performances attendues. Les plus courants sont le manganèse (confère une plus grande dûreté, améliore la résistance à la traction, aux chocs, à l'usure), le chrome (rend l'acier inoxydable et améliore sa résistance mécanique à chaud), le nickel (améliore la résistance à la corrosion et la résistance à l'usure), le molybdène (augmente la résistance à haute température). D'autres métaux sont parfois employés : magnésium, aluminium, silicium, titane, cobalt, niobium, vanadium... la liste est longue.
Les aciers alliés ainsi obtenus sont utilisés dans une multitude domaines, aussi nous nous limiterons à quelques exemples. Quand à l'acier trempé, il s'agit juste d'un acier ayant subi un brusque refroidissement (en le plongeant dans l'eau ou dans l'huile par exemple) après avoir été porté à haute température, ce qui lui confère une plus grande grande dureté et une meilleure résistance à la corrosion.

- Les appareils électroménager en font grand usage : fours traditionnels et micro-ondes, machines à laver, lave-vaisselle, réfrigérateurs...

Machine à laver de 1930
Machine à laver de 1930
Crédit : Andreas Praefcke

- Dans le domaine de l'alimentation (boites de conserve, canettes...), l'aluminium et l'acier se partagent le marché.

- L'acier inoxydable (ou "inox") doit contenir au moins 1,2% de carbone et 10,5% de chrome, qui au contact du dioxygène de l'air forme une couche protectrice d'oxyde de chrome. On y ajoute généralement du nickel afin d'améliorer ses propriétés mécaniques, et parfois des éléments tels que le molybdène et le titane, ou encore le vanadium et le tungstène pour une meilleure résistance aux températures élévées. Nombre d'ustensiles de cuisine sont en inox : cocotte-minute, casseroles, couverts...

Casseroles en acier
Casseroles en acier inoxydable

- L'acier est également présent dans les équipements électriques : renforts de câbles électriques à grande portée, transformateurs, moteurs électriques...



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