Astronomie pour les myopes

image bandeau

Une histoire des constellations - Chapitre 2

Nos constellations sont en grande partie originaires de l'ancienne Mésopotamie, vaste région comprenant l'Irak et une partie de la Syrie actuels, située entre les bassins des fleuves Tigre et Euphrate. Peuplée depuis plusieurs millénaires, cette dernière fut le foyer des civilisations sumérienne, akkadienne et babylonienne (si vous souhaitez effectuer un rapide survol de son histoire, vous pouvez vous rendre ici !). Parmi les grandes avancées que nous devons aux sumériens figurent l'invention de l'écriture, de la roue, de l'araire, du système sexagésimal (à l'origine de la division de nos heures en 60 minutes), du voilier et j'en passe...
Que ce soit sous les dynasties sumériennes, akkadiennes ou babyloniennes, les sources gréco-latines désignent généralement les astronomes de Mésopotamie sous le terme de Chaldéens, l'ensemble des connaissances accumulées par ces observateurs assidus formant ce qu'il est convenu d'appeler, dans la bonne société, l'astronomie babylonienne.

L'astronomie babylonienne

L'image qui nous vient généralement à l'esprit dès lors qu'il est question d'astronomie est celle de télescopes géants situés en altitude dans des régions où il fait beau 360 jours par an, ou encore de satellites artificiels envoyés bien au-delà du voile que constitue notre atmosphère, afin de recueillir des images d'une qualité époustouflante (comme celles obtenues à l'aide du télescope spatial Hubble). Dans l'ancienne Mésopotamie, rien de tout cela : les seuls instruments dédiés à l'astronomie dont on dispose alors sont le gnomonDans l'Antiquité, le gnomon désigne un simple baton planté verticalement dans le sol, afin de déterminer l'heure en observant la direction de son ombre projetée. Lorsque l'ombre est la plus courte, il est midi (heure solaire vraie) et le Soleil est alors plein sud (dans notre hémisphère).
Le gnomon peut à ce titre être considéré comme l'ancêtre des cadrans solaires, dont la science porte encore aujourd'hui le nom de gnomonique.
, le polosLe polos, du grec "πόλος" (sphère céleste), daterait du IVè siècle av J.-C.. Il est constitué d'une demi-sphère creusée dans une pierre, au centre de laquelle est placé un gnomon, sa principale fonction étant d'indiquer les solstices et les équinoxes. et la clepsydreLa clepsydre, du grec "κλεψύδρα" (littéralement ''voleur d'eau''), est une "horloge" basée sur le principe de l'écoulement de l'eau d'un récipient dans un autre à travers un petit orifice. La plus ancienne connue, découverte dans les ruines de Thèbes, remonterait à Aménophis III (XIIIè siècle av. J.-C.).
La clepsydre fut utilisée pour mesurer de courtes périodes (durée d'une plaidoirie en grèce, durée des gardes dans la légion romaine ...), mais également pour mesurer le temps quand il faisait nuit ou lorsque les conditions météorologiques ne permettaient pas l'utilisation d'un cadran solaire.
... Quant aux ziggourats, ces fameuses tours à étages généralement coiffées d'un temple, il semblerait qu'elles aient été en partie dévolues à l'observation du ciel, activité qui incombe alors aux prêtres. Ces monuments imposants, véritables montagnes artificielles pouvant dépasser 70 mètres de hauteur, font vraissemblablement office de traits d'union entre le monde des hommes et celui des dieux, encore qu'il n'y ait pas de certitude absolue à ce sujet.

Ziggourat d'Ur
Ziggourat d'Ur, construite vers 2100 av J-C.

S'il ne fait guère de doute que les ziggourats ont servi d'observatoires, l'étude du ciel relève alors davantage de l'astrologie que de l'astronomie à proprement parler, cette dernière s'inscrivant dans une démarche essentiellement religieuse et utilitariste : on ne cherche pas à connaître la structure ni le fonctionnement du cosmos (les premiers modèles géométriques de l'univers seront issus du monde grec), mais à déterminer le mouvement des astres et à étudier leurs cycles (les chaldéens connaissent le sarosPériode de 223 lunaisons*, soit 18 ans et 10 (ou 11) jours, au terme de laquelle les éclipses de Lune et de Soleil se répètent pratiquement dans les mêmes conditions. Grâce au saros, on peut donc prédire les dates des prochaines éclipses. Il faut toutefois attendre trois saros (ou exeligmos) pour que ces éclipses soient à nouveau visibles depuis les mêmes régions de la Terre.
*Une lunaison, ou révolution synodique, est la durée qui sépare deux nouvelles lunes successives, soit environ 29 jours 12 heures et 44 minutes.
), afin d'effectuer des prédictions appliquées au devenir du pays : les récoltes seront-elles abondantes et de qualité ? y aura-t-il des guerres et des conflits ? qui remportera la Ziggourat-cup cette année ? Bref, on n'est pas là pour rigoler.

Les plus anciennes prédictions connues sont établies principalement à partir de l'observation de la position de la Lune, de ses phases et des éclipses. Elles remontent à l'ère paléo-babylonienne (début du IIè millénaire av J.-C.) sous la dynastie Amorrite, dominée par la figure du roi HammurabiRoi de Babylone reconnu comme étant le véritable fondateur de l'empire babylonien, Hammurabi règne de 1792 à 1750 av J.-C.. Il est avant tout célèbre pour avoir rédigé un recueil de lois, le Code d'Hammurabi, considéré comme le texte juridique le plus complet de la Mésopotamie antique. Gravé sur une grande stèle de basalte noire actuellement conservée au Louvre, il est divisé en 282 articles réglementant la vie quotidienne dans le royaume de Babylone. On y trouve notamment les prémices de la loi du Talion (oeil pour oeil,...).
Un peu plus proche de nous, l'Enuma Anu Enlil (''Quand les dieux Anu et Enlil...'') est constitué d'un vaste ensemble de près de 70 tablettes d'argile sur lesquelles ont été consignés plus de 6500 présages, compilés lors de la période Kassite (1475-1156 av J.-C.), en partie issus d'une version plus ancienne datant du milieu du XVIIè siècle av J.-C.. La Lune, associée à Sin, dieu des bergers et de la mesure du temps, y occupe toujours une place prépondérante, mais les méthodes prédictives ont évolué et s'appuient désormais davantage sur l'observation des planètes, ces astres "vagabonds" dont la position change au cours du temps par rapport aux étoiles, qui au contraire restent fixes (en tout cas à l'échelle d'une vie humaine). La plus étudiée est Dilbat (Vénus), assimilée à Ishtar, déesse de l'amour et de la guerre (ce n'est pas incompatible) qui a la fâcheuse manie de dévorer ses amants. Viennent ensuite Zal-Bat-Anu (Mars), planète néfaste associée au terrible Nergal, puis Sag-Me-Gar (Jupiter), appelée parfois Nibiru, assimilée à Mardouk, et enfin Sag-Ush (Saturne) et Gud-Ud (Mercure), représentant respectivement les dieux Ninurta et Nabu.
Considérées comme les interprètes de la volonté des dieux, chacun des aspects sous lesquels elles se montrent (couleur, position...) est associé à une prédiction : l'apparition de Mars avant le lever du Soleil est signe d'une épidémie prochaine, le lever de Vénus durant le mois d'Abu annonce pluies et destructions, tandis que son coucher durant le même mois laisse augurer de bonnes récoltes. Certaines prédictions peuvent d'ailleurs s'avérer fort étranges, comme celle annonçant la mort de toutes les femmes enceintes si Vénus prend la couleur... verte (ce qui fort heureusement n'a pas dû arriver bien souvent !).

Bien que tout cela puisse prêter à sourire, n'oublions pas que ces observations, cumulées sur des siècles, ont fait progresser nos connaissances à pas de géants. C'est ainsi que la tablette ci-dessous, appelée tablette de Vénus d'Ammisaduqa (du nom de l'arrière petit-fils d'Hammurabi), sur laquelle figurent les heures de levers et de couchers de la planète Vénus colligées sur une période de 21 ans, révéle peut être pour la première fois que l'étoile du soir et l'étoile du matin sont en réalité un seul et même astre.

Qui plus est, les scribes de l'Enuma Anu Enlil, souvent prêtres de haut rang, constituent une confrérie très influente puisqu'aucune décision importante n'est prise sans avoir au préalable consulté les astres. Par leur intermédiaire, les dieux informent les hommes de ce qui risque d'arriver si rien n'est fait pour écarter la menace à l'aide d'un rituel adapté. Les décrêts célestes peuvent donc être contrecarrés dans une certaine mesure, comme l'illustre l'anecdote suivante : lorsqu'une éclipse de Lune annonce la mort du roi, celui-ci est emmené en lieu sûr, tandis qu'un remplaçant prend sa place sur le trône pour une durée de cent jours. Là où cela devient beaucoup moins drôle, c'est qu'une fois ce délai expiré, le malheureux intérimaire est mis à mort, histoire de ne pas faire mentir la prophétie. Le roi légitime peut ensuite reprendre ses fonctions en toute sérénité.

Tablette de Vénus

Bon, c'est bien joli ces histoires de prédictions, mais nos constellations, où sont-elles dans tout cela ? Ce site a beau être absolument fabuleux, son auteur ne serait-il pas en train de se moquer de nous ? Eh bien soyez pleinement rassurés, nous y arrivons...

Retour à l'introduction


Astronomie pour les myopes - Mentions légales