Le soufre fait partie du 16ème groupe (16ème colonne) de la classification
périodique, appelé parfois groupe des chalcogènes (du grec "chalcos" signifiant "minerai"),
auquel appartiennent également l'oxygène, le sélénium, le tellure et le polonium. Il possède 25
isotopesOn appelle isotopes des atomes ayant le
même nombre de protons, mais qui différent par leur nombre de neutrons. connus,
parmi lesquels quatre sont stables : le soufre 32 (32S) pour 95 %, le soufre 33 (33S)
pour 0,75 %, le soufre 34 (34S) pour 4,2 % et enfin le soufre 35 (35S) pour 0,02 %.
Le soufre arrive en dixième position en terme d'abondance dans l'univers (0,002 % de tous les atomes). L'eau
de mer (de surface) en contient de grandes quantités (en moyenne 900 mg/L), et il est également relativement
abondant dans la croûte terrestre.
Lorsque de vieilles étoiles massives (au moins huit masses solaires) arrivent au terme de leur existence, elles finissent, quand la température atteint deux milliards de kelvins dans leur coeur, par réaliser la fusion de l'oxygène. Parmi les nombreuses réactions qui ont alors lieu, certaines produisent du soufre 31 (31P), instable (avec une période de 2,57 s), et du soufre 32 (32P) :
16O + 16O ---> 31S + 1n (neutron)
16O + 16O ---> 32S + rayons gammas
Dans les étoiles ayant une masse supérieure à dix masses solaires, un autre mécanisme intervient également, entre 3 et 4 milliards de kelvins : les réactions de photodissociation. Les photons gammas sont alors tellement énergétiques qu'ils parviennent à briser des noyaux complexes. C'est ainsi que certains noyaux de silicium 28, sous l'action de ces photons, éjectent des particules alpha (noyau d'hélium 4), qui sont ensuite réabsorbées par d'autres noyaux de silicium 28, produisant ainsi du soufre 32 :
28Si + 4He ---> 32S + rayons gammas
D'autres éléments seront ensuite produits par ce même processus : argon 36, calcium 40, titane 44...
Une fois l'oxygène épuisé au coeur de l'étoile, la fusion du silicium prend la relève durant quelques
heures. Le destin de l'étoile est alors scellé, cette dernière terminant son existence dans une explosion
apocalyptique, au cours duquel une partie des éléments qu'elle a synthétisés tout au long de sa vie sont
dispersés dans l'espace.
Le soufre existant à l'état natif, il est connu depuis la plus haute Antiquité. Vers 150 av J.-C., l'homme politique et historien romain Caton l'Ancien suggère de l'employer pour protèger la vigne contre les larves de pyrales, faisant de cet élément l'un des plus anciens insecticides connus.
La Bible mentionne le soufre à plusieurs reprises, notamment dans la Genèse, lorsque Yahweh fait tomber une pluie de soufre et de feu sur les villes de Sodome et Gomorrhe.
Au XIè siècle, les Chinois inventent la poudre à canon, mélange de soufre, de charbon de bois et de salpêtre. La recette est décrite dans le Wujing Zongyao, traité militaire écrit en 1044 durant la dynastie des Song du Nord (image ci-dessous).
Il faut toutefois attendre l'année 1777 pour que le chimiste français Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794) considère le soufre comme un élément chimique à part entière.
Le soufre, lorsqu'il est à l'état de corps simple et dans les CNTPLes CNTP ou conditions normales de température et de pression sont considérées de façon arbitraire comme étant les conditions d'expérimentation et de mesure en laboratoire, définies par une température de 0°C (273,15 K) et une pression de 1 atmosphère (soit 101 325 Pa ou 1,013 bars)., se présente sous l'aspect d'un solide de couleur jaune, qui brûle avec une flamme bleue en libérant du dioxyde de soufre (SO2), gaz incolore mais toxique et très irritant.
Il s'agit de l'élément présentant le plus de formes allotropiques (c'est-à-dire de formes
cristallines ou moléculaires), que ce soit à l'état solide, liquide ou gazeux, la forme la plus répandue
étant le cyclo-octasoufre (S8),
molécule constituée de huit atomes de soufre formant une boucle. Dans la nature, le soufre est présent dans
nombre de minéraux, sous forme de sulfures ou de sulfates, mais on le trouve également à
l'état natif, en particulier à proximité de certains volcans.
En raison de ses nombreuses formes allotropiques, le soufre adopte un comportement pour le moins étrange
lorsqu'on le chauffe. Alors qu'il est encore à l'état solide, un premier changement s'opère à 95°C : de
jaune clair (soufre dit "alpha"), il devient jaune foncé (soufre "beta"). Arrivé à 115°C, il passe à l'état
"liquide", sa viscosité continuant à diminuer jusqu'à 155°C. Puis, à partir de 160°C, le processus s'inverse :
il devient de plus en plus pâteux, le maximum de viscosité étant atteint à 190°C (en raison d'une polymérisation
des atomes de soufre). Il prend alors une teinte brun foncé, mais finit par redevenir liquide au fur et à mesure
que la température augmente. Enfin, il entre en ébullition à 445°C.
Io, l'un des quatres satellites galiléensLes satellites galiléens sont les quatre plus gros satellites de Jupiter, à savoir (par ordre d'éloignement) Io, Europe, Ganymède et Callisto. Il ont été observés pour la première fois en janvier 1610 par le savant italien Galilée, et nommés ainsi par l'astronome allemand Simon Marius. de Jupiter, présente un aspect bien étrange, qui lui vaut parfois le surnom de "pizza volante". La raison en est simple : cet astre possède de nombreux volcans très actifs, qui "crachent" des quantités considérables de soufre et d'oxyde de soufre, tous deux responsables de cette étonnante palette de couleurs.
A l'exception des gaz rares, le soufre est susceptible de former des composés avec pratiquement tous les autres éléments. C'est ainsi qu'il réagit plus ou moins rapidement (parfois à froid, parfois à chaud) avec les métaux comme le cuivre, l'argent, le mercure, le zinc, l'aluminium, l'étain, le fer, le chrome, le nickel, le cobalt... A l'état liquide, il réagit brutalement avec certains alcalins et alcalinoterreux (lithium, sodium, magnésium). En dehors de l'iode, il se combine facilement avec les halogènes, allant jusqu'à s'enflammer spontanément en présence de fluor. Il peut également se combiner à l'hydrogène, donnant ainsi du sulfure d'hydrogène (H2S), gaz toxique dont l'odeur nauséabonde évoque celle des oeufs pourris.
Le soufre occupe une place importante chez les être vivants. Il entre notamment dans la composition de
certaines enzymes, ainsi que dans celle de deux acides aminés, la cystéine et la méthionine. Dans le
corps, il est essentiellement stocké dans les ongles, les cheveux et les os, contribuant à la solidité de ces
derniers (il favorise l'absorption du calcium, du magnésium et du phosphore). Certaines bactéries vont même
jusqu'à utiliser le soufre comme source d'énergie, en réduisant les ions sulfate (SO32-)
en sulfure d'hydrogène (H2S).
L'ail contient des composés soufrés, responsables de son goût et de son odeur si particuliers. Quant
aux propriétés lacrimales des oignons, ce sont également des composés soufrés qui en sont à l'origine.
En effet, les oignons ont la fâcheuse habitude de puiser le soufre contenu dans le sol, et de le stocker
dans leurs cellules. Lorsque, sous l'action du couteau, ces cellules sont dérichées, une suite de réactions
chimiques aboutit à la formation d'oxyde de propanethial, gaz irritant qui, au contact des yeux, se
transforme en... acide sulfurique.
Dans le monde animal, les mouffettes, petites créature inoffensives, ont trouvé un moyen de défense assez original. Quand elles se sentent menacées, elles projettent sur leur adversaire un liquide malodorant constitué d'un mélange de thiols, substances riches en soufre plus connues sous le nom de mercaptans. Ce sont également des thiols que l'on retrouve dans les célèbres "boules puantes".
En 2017, près de 87 millions de tonnes de soufre étaient produites au niveau mondial. Ce soufre a bien entendu plusieurs origines :
- environ 70 % de la production est obtenue à partir du sulfure d'hydrogène provenant du gaz naturel (Canada, Russie), et du soufre contenu dans le pétrole brut (Etats-Unis, Arabie Saoudite…) ainsi que dans les sables bitumineux (Canada),
- un peu plus de 6 % provient de soufre à l'état natif (Etats-Unis, pologne, Irak, Russie),
- près de 34 % du soufre provient des sulfures contenus dans divers minéraux, tels les pyrites (FeS2) (Chine, Finlande, Russie).
- Dans l'industrie, la majeure partie du soufre (environ 85 %) est utilisée pour synthétiser de l'acide
sulfurique, qui intervient lui-même dans nombre de processus industriels, en particulier la fabrication
des engrais, qui consomment à eux seuls près de 60 % de la production de soufre (sous forme de sulfate
de calcium).
L'acide sulfurique intervient également dans l'élaboration de détergents, dans le blanchiment de la pâte
à papier, dans le raffinage du pétrole, dans l'industrie textile, en métallurgie (comme décapant ou solvant),
et j'en passe...
- En viticulture et en horticulture, le soufre est utilisé comme fongicide pour lutter contre l'oidium (ou pourriture blanche), champignon susceptible de proliférer sur un grand nombre de plantes, lorsque le temps est chaud et humide.
- En 1885, un nouveau traitement est utilisé en viticulture, la bouillie bordelaise, mélange de sulfate de cuivre et de chaux. Son rôle : protéger la vigne contre le tout dernier fléau, le mildiou de la vigne, champignon importé du continent américain, qui fit son apparition en Aquitaine en 1878.
- La vulcanisation du caoutchouc, invention généralement portée au crédit de l'américain Charles Goodyear (1800-1860), consiste à incorporer du soufre dans le caoutchouc afin d'en améliorer les qualités, le rendant notamment beaucoup plus élastique et plus résistant à la chaleur (sans quoi, il a tendance à devenir visqueux et à se déformer). Goodyear aurait découvert le procédé par hasard en 1839, en faisant tomber par inadvertance un échantillon de caoutchouc contenant du soufre dans une poêle. On raconte que dans un geste de colère, il aurait balancé le tout par la fenêtre, dans la neige (nous sommes alors en hiver), et constaté que le morceau de caoutchouc refroidi aurait acquis les propriétés tant recherchées. Toujours est-il que malgré sa découverte, Charles Goodyear finira dans la plus extrême pauvreté, croulant littéralement sous les dettes.
- Le bout rouge (ou "bouton") des allumettes de sûreté contient su soufre, sous forme de sulfure d'antimoine.
- Du tétrahydrothiophène, ou plus simplement THT, gaz à l'odeur désagréable, est ajouté aux alcanes (méthane, butane...) pour en détecter les fuites. Sa formule, C4H8S, indique clairement la présence de soufre.
- Le bisulfite de calcium intervient dans la fabrication de la pâte à papier, à partir de copeaux de bois. Il est également utilisé comme additif alimentaire (E227).
- Le soufre est largement utilisé en médecine. Ses vertus antiseptiques et décongestionnantes en font un allier précieux pour lutter contre les problèmes de la sphère ORL (rhumes, sinusites...). Il est employé pour traiter les maladies de peau comme l'eczéma et le psoriasis, ainsi que l'acné juvénile. Il présente également des proporiétés anti-inflammatoires, utilisées pour soulager les douleurs rhumatismales. Et n'oublions pas la pénicilline, médicament employé dans le traitement de certaines infections bactériennes, dont la molécule contient un atome de soufre.
- Les sulfites sont utilisés comme additifs alimentaires. Non seulement ils permettent une
meilleure conservation des aliments (et du vin), mais ils sont également utilisés comme colorants : ce sont
eux qui sont responsables de la belle couleur rose du jambon, qui normalement devrait être gris, ce qui est
moins appétissant.
Astronomie pour les myopes -
Mentions légales