Les aventures de Persée

Nous allons découvrir ici un mythe commun à de nombreuses cultures : un roi, apprenant par un oracle qu'il sera assassiné par l'un de ses descendants, fait enfermer sa fille unique dans un donjon, afin d'échapper au funeste présage. Ainsi en est-il de la légende du héros Persée, à la fois homme et demi-dieu, qui accomplira sa destinée bien malgré lui.


Il y a fort longtemps régnait à Argos, petite ville du Péloponnèse, un roi très cruel nommé Acrisios. Ayant appris de la bouche d'un devin qu'il se ferait détrôner par l'un de ses petit-fils, il s'empressa d'enfermer sa fille Danaé dans une grande tour, qu'il plaça sous bonne garde. Cette canaille espérait ainsi faire mentir la prophétie et s'en tirer à bon compte.

Le roi Acrisios

Or voici qu'un mardi matin, un certain Marcel Zeus passa dans le coin, probablement en quête d'une aventure. Lorsqu'il aperçu la donzelle, penchée à la fenêtre du donjon dans son petit débardeur rose, son sang ne fit qu'un tour. Ne manquant pas d'imagination dès lors qu'il est question de gaudriole, notre don Juan usa d'un stratagème pour le moins original : il se déguisa en pluie d'or, ce qui lui permit d'entrer dans la cellule de Danaé sans éveiller le moindre soupçon. Ben oui, ça semble tout bête, mais encore fallait-il y penser.


Jetons un voile pudique sur ce qui se passa par la suite... Toujours est-il que la princesse se trouva fécondée et donna bientôt naissance à un garçon qu'elle appela Persée. Le roi Acrisios, apprenant la nouvelle, fut fort désappointé, ce qui peut se comprendre. Ayant à l'esprit les paroles de l'oracle, il opta pour une solution radicale : il enferma la gourgandine et son rejeton dans un coffre qu'il fit jeter à la mer, les livrant ainsi à une mort certaine. L'idée, à la base, semblait bonne, mais la chance tourna et sourit enfin à nos deux naufragés qui finirent par échouer sur le rivage d'une île inconnue. Ils furent délivrés de leur sarcophage par un certain Dictys, pêcheur de son état, qui leur offrit généreusement l'hospitalité. Celui-ci expliqua à Danaé qu'il aurait dû règner sur cette île, mais que son frère Polydecte - trop poly pour être honnête - l'avait évincé.
Les jours puis les années s'écoulèrent, et Persée finit par devenir un solide gaillard. Sa mère, qui ne passait pas inaperçue tant était grande sa beauté, fut bientôt l'objet de la convoitise de Polydecte, ce qui n'eut pas l'heur de plaire au fiston. L'usurpateur prit alors une sombre résolution : il allait se débarrasser de ce gêneur. Une occasion se présenta lors d'un banquet auquel le roi convia Persée, qui s'y rendit les mains dans les poches car il était fauché. Polydecte, tirant parti de cette situation embarrassante, le mit au défi de lui apporter la tête de la Gorgone Méduse en guise de cadeau, défi que notre héros en herbe s'empressa d'accepter sans trop réfléchir.

Les Gorgones étaient trois frangines pas vraiment belles : avec leurs grandes dents pleines de caries, des ailes qui ressemblaient à des parapluies après le passage d'une tornade de force 5, un tas de serpents sur la tête en guise de tignasse et une haleine de chacal, pas étonnant qu'elles soient restées célibataires. Sans oublier que quiconque venait à croiser leur regard se voyait aussitôt changé en pierre. Mais il était trop tard pour reculer : cochon qui s'en dédit ! Fort heureusement, tout vient à point pour qui sait attendre : alors que Persée commençait à désespérer, les dieux lui vinrent en aide. Athéna lui offrit un magnifique bouclier de bronze poli comme un miroir, tandis qu'Hermès lui fournit l'épée dont la lame viendrait à bout des écailles couvrant le corps de Méduse.

C'est encore Hermès qui le guida jusqu'au repère des Grées, trois mémères édentées et hargneuses n'ayant qu'un oeil unique dont elles se servaient chacune à leur tour. Autant dire que l'hygiène n'était pas leur priorité. Réussissant à s'emparer de cet oeil par la ruse, Persée l'utilisa comme monnaie d'échange et obtint des trois Vieilles qu'elles lui expliquent comment se rendre chez les nymphes du Nord, lesquelles lui confieraient des sandales volantes, une besace extensible, ainsi qu'un casque qui rend invisible celui qui le porte.

Les trois Grées



Ces formalités lui ayant ouvert l'appétit, il pouvait enfin s'attaquer au plat de résistance : les Gorgones n'avaient qu'à bien se tenir ! Cette fois-ci, c'est la déesse Athéna qui se chargea de le mener jusqu'à l'antre de ces erreurs de la nature. Lorsqu'il pénétra dans leur repère, sordide et mal tenu, il se dit in petto qu'elles n'avaient certainement pas eu une enfance facile, et qu'elles avaient dû être mal orientées à la sortie du collège.
Les trois chimères étaient en train de roupiller, étendues sur le sol, ronflant comme seules des Gorgones savent le faire. Il fallait agir vite ! Côté discrétion, malheureusement, c'était loupé : ce n'est pas le tout de se trimbaler avec une belle épée et un joli bouclier, mais quand ils s'entrechoquent cela fait un barouf de tous les diables. Ceci eut tôt fait de réveiller Méduse, qui se dressa soudain de toute sa hauteur, serpents hérissés sur la tête. Aux dires de ceux qui la connaissent bien, cela signifie qu'elle est de mauvais poil. Evitant d'affronter son regard maléfique, Persée suivit à la lettre les conseils avisés de ses protecteurs et regarda dans son bouclier le reflet de l'immonde créature, ce qui lui permit de lui trancher la tête d'un seul coup d'épée.

Persée et la Gorgone Méduse


Toujours sans la regarder, Persée jeta l'affreuse tête dans sa besace. Portant le casque d'invisibilité, il put prendre la poudre d'escampette sans attirer l'attention des Gorgones.
Il était temps cette fois, de rentrer au bercail. Le voyage de retour, bien qu'agréable en cette arrière saison, ne se fit pas sans embûches. Au cours d'une halte touristique en Ethiopie, le jeune héros, qui voletait dans les air grâce à ses sandales magiques, aperçut soudain une jouvencelle en détresse (dans une autre version, il chevauchait Pégase, un canasson avec des ailes, mais la location de cet animal étant très coûteuse, nous économiserons l'argent du contribuable). Attachée à un gros rocher, la pauvrette allait visiblement servir de pitance à un énorme serpent marin. Persée, chevaleresque à ses heures et la trouvant fort jolie (il ne se serait pas arrêté pour un laideron), décida de lui porter secours, et ce au mépris des coutumes locales. Il sortit de son sac la tête de Méduse et la tourna vers le monstre, qui fut instantanément pétrifié par son regard hypnotique, coulant à pic et à jeun par dessus le marché.

Persée et la Gorgone Méduse


Le casse-croûte se prénommait Andromède et avait été offert en pâture à cette bête cruelle afin d'apaiser la colère de Poséidon (voir "Céphée, Cassiopée et Andromède"). Lorsqu'il retrouva sa fille saine et sauve, Céphée, roi d'Ethiopie, fut littéralement fou de joie. Pour remercier notre jeune héros comme il se doit, il lui offrit la main d'Andromède, sentant bien que le courant passait entre ces deux là. C'est donc accompagné de sa dulcinée que Persée regagna son île, impatient de retrouver les siens et de goûter à un repos amplement mérité. Il l'ignorait alors, mais il n'était pas au bout de ses peines : on l'informa en effet que Danaé, lassée d'avoir à fuir les avances de Polydecte qui ne lâchait pas l'affaire, avait dû se réfugier dans un temple avec Dictys. Or le soir même, le roi donnait un banquet, entouré de ses partisans. L'occasion était trop belle ! Persée s'y rendit sur le champ, entra dans la salle où se trouvaient réunis les convives, et honora sa promesse : il leur présenta la tête de sa vieille copine...
L'île étant enfin débarrassée son despote, tout rentra dans l'ordre et Persée offrit la couronne royale à Dictys, qui promit de faire son possible, en honnête homme qu'il était. Pour notre héros, ainsi que pour Danaé, l'aventure n'était toutefois pas terminée : peu rancuniers, ils souhaitaient se réconcilier avec Acrisios. Ils se rendirent donc à Argos, mais apprirent que ce dernier avait été banni et, comble de malchance, nul ne savait où le gaillard s'était réfugié. Sur ces entrefaites, Persée entendit parler d'un concours d'athlétisme organisé par Teutamidès, roi de Larissa, ce qui ne manquait pas de piment. Sportif accompli, il décida d'y participer incognito et de tenter sa chance au pentathlon.

Persée au lancer de disque


Il attendait beaucoup de l'épreuve du lancer de disque, discipline dans laquelle il excellait depuis son plus jeune âge. Lorsqu'arriva son tour, la foule était en délire et nombre d'admiratrices scandaient son nom dans une ambiance survoltée. Persée ne pouvait décevoir son public : il mit un tel entrain dans son lancer que le projectile, fendant l'air tel un obus de 75 mm, alla s'écraser dans les tribunes, tuant sur le coup l'un des spectateurs, qui eut la malchance de se trouver là au mauvais moment. Mais peut-être faut-il y voir un signe du destin, puisque ladite victime n'était autre que ce pauvre Acrisios, dont le sort avait été scellé il y a bien longtemps déjà. La prophétie était donc accomplie... Persée, parricide malgré lui, quitta la région et fonda sa propre ville, Mycène, où il coula des jours heureux en compagnie de la belle Andromède.
Leur idylle n'a d'ailleurs pas pris fin à ce jour, puisqu'elle se pousuit sur la voûte céleste, les constellations de persée et d'Andromède ayant été placés côte à côte pour l'éternité, à proximité de Cassiopée et de Pégase. Quant à Algol, étoile de la constellation de Persée dont l'éclat varie au cours du temps, évitez de la regarder en face, on ne sait jamais : elle représente la tête de la Gorgone Méduse.

Et dans les autres cultures ?

Les Babyloniens voyaient dans la constellation de Persée un vieillard, à propos duquel on ne sait pas grand chose, en fait même rien...

L'étoile Algol n'inspire décidément confiance à personne : les Arabes et les Hébreux voyaient en elle la tête d'un démon.


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