L'aluminium (Z = 13)

Pour ce que l'on en sait, l'aluminium possède 22 isotopesOn appelle isotopes des atomes ayant le même nombre de protons, mais qui différent par leur nombre de neutrons., mais un seul d'entre eux, l'aluminium 27 (27Al), est stable. Très abondant dans la croûte terrestre, dont il représente environ 8 % de la masse, il vient en troisième position après l'oxygène et le silicium. On le trouve généralement sous forme d'aluminosilicates (argiles, schistes...), mais on l'extrait principalement de la bauxite, minerai qui tire son nom du village des Baux-de-Provence.

Echantillon de bauxite
Echantillon de bauxite

Origine de l'aluminium

Lorsque de vieilles étoiles massives arrivent au terme de leur existence, elles finissent, quand la température atteint deux milliards de kelvins dans leur coeur, par réaliser la fusion de l'oxygène. Parmi les nombreuses réactions qui ont alors lieu, l'une d'entre elles produit de l'aluminium 27 :

16O + 16O ---> 27Al + 4He + 1H (proton)

D'autres noyaux d'atomes vont être synthétisés dans le même temps (silicium, phosphore, soufre...), qui seront ensuite disséminés (en partie) dans l'espace, au moment où l'étoile, à cours de combustible, terminera sa vie dans une explosion apocalyptique (une supernova).

Dentelles du Cygne
Une partie des Dentelles du Cygne,
rémanant de supernova
Crédit : NASA, ESA, and the Hubble Heritage

Un peu d'histoire

Bien que l'aluminium soit omniprésent dans la croûte terrestre, l'en extraire demande beaucoup d'énergie. C'est la raison pour laquelle il fallut attendre le début du XIXè siècle pour que l'on découvre enfin l'existence de cet élément, et la fin de ce même XIXè siècle pour que des procédés d'extraction efficaces voient le jour, permettant ainsi d'en produire des quantités significatives. Mais reprenons les choses dans l'ordre.

En 1807, le chimiste et physicien britanique Humphry Davy (1778-1829) soupçonne l'alun, un minéral longtemps utilisé comme mordant pour teindre les tissus, de contenir un nouvel élément qu'il appelle aluminium, nom forgé à partir du latin "alumen" servant à désigner l'alun. On sait aujourd'hui que l'alun ordinaire est un sulfate double d'aluminium et de potassium.
En 1827, le chimiste allemand Friedrich Wöhler (1800-1882) parvient à isoler un peu d'aluminium en faisant agir du potassium sur du chlorure d'aluminium, mais la méthode n'est guère efficace. En 1854, le chimiste français Henri Sainte-Claire Deville (1818-1881) réussit néanmoins à fabriquer le tout premier lingot d'aluminium. Ce métal étant alors extrêmement difficile à produire, son coût reste très élevé, comparable à celui de l'or. On raconte à ce sujet que l'empereur Napoléon III réservait à ses invités les plus prestigieux des couverts en aluminium, les autres devant se contenter de simples couverts en or.
En 1886, une nouvelle méthode d'extraction voit le jour, mise au point indépendamment par le chimiste français Paul Héroult (1863-1914), et l'ingénieur américain Charles Martin Hall (1863-1914). La méthode consiste à faire fondre de l'alumine (Al2O3) dans un bain de cryolitheLa cryolite est une espèce minérale composée de fluorure double de sodium et d'aluminium (wikipedia)., et à soumettre le tout à un courant très fort (électrolyse), ce qui permet d'obtenir à la cathode de l'aluminium en fusion.

Paul Heroult Charles Martin Hall

Le français Paul Héroult (à gauche) et l'américain Charles Martin Hall

En 1887, ce procédé est amélioré par le chimiste autrichien Karl Josef Bayer (1847-1904), qui obtient de grandes quantités d'alumine en faisant agir de la soude concentrée sur de la bauxite. Mais nous y reviendrons...

Propriétés de l'aluminium

A la fois léger (sa masse volumique est de 2,7 g/cm3) et résistant, l'aluminium est le métal le plus utilisé après le fer. Contrairement à ce dernier, il présente l'avantage de bien résister à la corrosion, puisqu'au contact de l'oxygène de l'air, il se recouvre d'une couche d'alumine (Al2O3), à la fois solide et imperméable, d'une dizaine de nanomètres d'épaisseur. L'alumine est d'ailleurs le principal constituant de l'une des substances les plus dures qui soient, le corindon, espèce minérale à laquelle appartiennent le rubis et le saphir.

Rubis
Rubis et calcite
Crédit : Géry Parent

L'aluminium est un bon conducteur de l'électricité et de la chaleur, il est facile à recycler, facile à usiner et à mouler, sa température de fusion n'étant que de 660°C. On l'utilise le plus souvent allié à d'autres éléments, notamment le cuivre, le magnésium, le manganèse et le silicium.

Production industrielle de l'aluminium

Nous l'avons vu précédemment, l'aluminium est le plus souvent extrait de la bauxite, minerai qui contient généralement entre 50% et 60% d'alumine (Al2O3) hydratée, mélangée à de la silice et à de l'oxyde de fer (qui lui donne sa couleur). Dans le procédé Bayer, utilisé dans l'industrie, la bauxite est broyée puis attaquée par de la soude caustique (hydroxyde de sodium) chaude (vers 200 - 250°C) , qui dissout l'alumine mais pas les impuretés. Il se forme alors une solution d'aluminate de sodium, selon la réaction suivante :

Al2O3 + 2 NaOH ---> 2 (Na+ + AlO2-) + H2O

Les impuretés sont ensuite éliminées par décantation et filtration, formant une "boue rouge" alcaline (elle est riche en hydroxyde de sodium) et toxique. Quant à la solution d'aluminate de sodium, elle est diluée et refroidie, entraînant la formation (par précipitation) de trihydrate d'aluminium. Ce dernier est ensuite calciné aux alentours de 1 100°C, ce qui élimine l'eau et permet de produire de l'alumine pure :

Al2O3.(H2O)3 ---> Al2O3 + 3 H2O

L’aluminium est ensuite obtenu par électrolyse de l’alumine, selon le procédé mis au point en 1886 par Hall et Héroult (que nous avons décrit un peu plus haut).

En 2019, au niveau mondial, ce sont près de 64 millions de tonnes d'aluminium primaire (extrait de la bauxite, donc non recyclé) qui ont été produites, par plus de 230 usines réparties sur 45 pays (les principaux étant la Chine, la Russie, l'Inde, le Canada, les Émirats Arabes Unis et l'Australie). La Chine arrive toutefois très largement en tête de ce palmarès, puisqu'elle fournit 35 millions de tonnes à elle seule.

Quelques exemples d'utilisation de l'aluminium

- Le secteur des transports fait grand usage de l'aluminium. Dans l'industrie automobile, ce dernier occupe une place croissante, se substituant progressivement à l'acier. Les camions, les bateaux, les vélos et les avions ne sont bien entendu pas en reste. Pour ne prendre qu'un exemple, l'aluminium représente près de 60 % de la masse de la structure d'un Airbus A 380.

Airbus A380
Airbus A380

- L'almelec, alliage à base d'aluminium, de magnésium et de silicium, est utilisé comme conducteur dans les lignes électriques aériennes. Il présente l'avantage d'être moins lourd et (un peu) moins coûteux que le cuivre.

- Le duralumin, alliage à base d'aluminium (95 %), de cuivre, de magnésium et de manganèse, à la fois léger et résistant, est utilisé dans l'industrie aéronautique.

- L'aluminium est omniprésent dans les emballages, que ce soit sous forme de boites de conserve, de canettes, de papier aluminium...

- Le bâtiment fait également grand usage de ce métal, que l'on retrouve fréquemment dans les fenêtres et portes-fenêtres.

- Certains ustensiles de cuisine (couverts, casseroles) sont en aluminium. Ils ont l'avantage d'être très légers, ce qui peut être pratique quand on fait du camping, mais il faut toutefois être prudent, notamment avec les casseroles, car des particules d'aluminium peuvent migrer dans les aliments durant la cuisson, surtout si l'exposition à la chaleur est forte, et si les aliments sont acides. Le sujet est controversé, mais l'aluminium est soupçonné d'avoir un impact négatif sur la santé (il provoquerait notamment la maladie d’Alzheimer). Un minimum de prudence restant de mise, mieux vaut ne pas faire usage de ce type de matériel si on peut l'éviter.

- La poudre d'aluminium présente un caractère très réducteur (l'aluminium cède facilement ses électrons). Concrêtement, cela se traduit par le fait que l'aluminium a tendance à s'accaparer les atomes d'oxygène présents dans les autres métaux. Cette propriété est à l'origine d'un procédé appelé aluminothermie, où l'on emploie un mélange de poudre d'aluminium et d'oxydes métalliques (ou thermite) afin de produire du métal pur (débarrassé de son oxygène). C'est d'ailleurs comme cela que l'on soude les rails de chemins de fer : un mélange de poudre d'hématite (oxyde de fer de formule Fe2O3) et d'aluminium est porté à haute température, ce qui permet d'initier la réaction suivante :

Fe2O3 + 2 Al ---> Al2O3 + 2 Fe

Cette réaction étant très exothermique (elle libère de la chaleur), on obtient du fer à l'état liquide (la température dépasse 2900°C), que l'on fait couler sur les deux pièces à souder (voir ici !).

- Certains propergols solides de fusées contiennent de la poudre d'aluminium. C'est le cas des propulseurs d'appoint (boosters) des lanceurs de type Ariane 5 ou Atlas V (ci-dessous).

Atlas V
Décollage d'une fusée Atlas V
Crédit : NASA - Kim Shiflett

- L'alumine (corindon), en raison de sa dureté, est utilisée comme abrasif dans certains papiers de verre.

- Les miroirs des télescopes, après avoir été taillés dans différents types de verres, sont recouverts (entre autres), d'une couche d'alumine très réfléchissante.





Le gallium (Z = 31)

A l'instar de l'alumunium, le gallium appartient à la famille des métaux pauvres. On lui connait 31 isotopesOn appelle isotopes des atomes ayant le même nombre de protons, mais qui différent par leur nombre de neutrons., mais seuls deux d'entre eux sont stables : le gallium 69 (69Ga) pour 60%, et le gallium 71 (71Ga), pour 40%.
Peu abondant dans la croûte terrestre (sans être rare pour autant), son clarke, autrement dit sa teneur massique moyenne, est de 19 ppm (partie par million), soit 19 g/tonne.

Origine du gallium

Le gallium est essentiellement produit par capture de neutrons, comme nombre d'éléments plus lourds que le fer, lors de l'explosion d'étoiles massives, selon un mécanisme appelé processus r, la lettre r signifiant qu'il s'agit d'un processus de capture rapide, nécessitant un flux de neutrons très élevé.

Un peu d'histoire

L'histoire de la découverte du gallium est étonnante. Alors qu'il met en place les éléments chimiques dans son fameux tableau, le chimiste russe Dmitri Mendeleïev constate que sous l'aluminium, une case est toujours vide : c'est ainsi que vers 1870, il prédit l'existence d'un nouvel élément qu'il appelle "éka-aluminium" (le préfixe éka, d'origine sanskrite, sert à désigner un élément inconnu situé sous la case d'un élément connu). Encore plus fort, il est capable d'anticiper certaines de ses propriétés, comme sa masse volumique qu'il estime devoir être de 5,9 g/cm3. En 1875, le chimiste français Paul-Émile Lecoq de Boisbaudran découvre l'élément en question en analysant un échantillon de sulfure de zinc provenant de la mine de Pierrefitte, dans les Pyrénées. Il l'appelle Gallium "en l'honneur de la France", pour reprendre ses propres termes, Gallia étant l'ancien nom latin de la France.

Paul-Émile Lecoq de Boisbaudran
Paul-Émile Lecoq
de Boisbaudran

Lorsqu'il a vent de cette découverte, Mendeleïev envoie un courrier à l'Académie des sciences de Paris, dans lequel il rappelle que "Le gallium est l'éka-aluminium que j'avais prédit. Son poids atomique est environ 68, sa densité est environ 5,9. Voyez si c'est correct." C'est là que cette affaire devient incroyable. Quand Boibaudran dispose enfin d'une quantité suffisante (moins d'un décigramme) de cet élément pour effectuer des mesures, il estime que sa densité est proche de 4,7. Mendeleïev n'en resta pas là, et lui écrit pour lui dire qu'il se trompe, que son échantillon n'est sans doute pas suffisamment pur. Boibaudran refait alors ses mesures à l'aide d'un échantillon plus gros et là... il trouve bien une densité de 5,9, comme l'avait prévu le chimiste russe !

Propriétés du gallium

Le gallium pur est un solide d'aspect argenté, aussi cassant que le verre. Sa température de fusion étant de 29,8°C il suffit de le tenir dans la main pour le faire fondre. Il peut par ailleurs être maintenu dans l'état liquide à température ambiante grâce au phénomène de surfusionUne substance est en état de surfusion lorsqu'elle reste à l'état liquide alors que sa température descend en dessous de sa température de solidification. C'est parfois le cas de l'eau quand elle est très pure (elle ne doit pas contenir de poussières), mais il suffit alors d'une petite perturbation (comme un léger choc) pour qu'elle gèle instantanément., à l'instar du césium et du rubidium. Sa température d'ébullition est de 2 204°C, ce qui en fait l'élément ayant la plus grande plage de température où il se trouve à l'état liquide.

Echantillon de gallium solide
Echantillon de gallium solide

Le gallium possède une autre caractéristique étonnante, qu'il partage avec l'eau, le bismuth et l'antimoine : lorsqu'il se solidifie, il augmente légérement de volume (sa densité diminue donc d'autant), ce qui a pour conséquence que le gallium à l'état solide flotte sur sa phase liquide.
Présent en très faible quantité dans notre corps (un adulte de 80 kg en contient environ 0,8 mg), on pense qu'il ne joue aucun rôle dans son fonctionnement. Considéré comme peu toxique, il ne présente pas de danger pour notre santé, du moins aux doses auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement, que ce soit dans l'environnement ou dans l'alimentation. Il semble être toutefois légèrement corrosif pour les muqueuses et la peau : il est en effet connu pour laisser une tache sur les mains après manipulation.

Production industrielle du gallium

Comme il n'existe pas de gisement de gallium à proprement parler, celui-ci est principalement coproduit (à près de 95%) lors du traitement de la bauxite, minerai destiné à fournir de l'aluminium.

Echantillon de bauxite
La bauxite contient de petites
quantités de gallium.

La première étape consiste à broyer la beauxite puis à l'attaquer à l'aide d'une solution de soude concentrée et chaude, ce qui permet de séparer l'aluminium et le gallium des éléments indésirables (oxydes de fer, silice...), qui vont donner des boues rouges. L'aluminium et le gallium se trouvent alors en solution, sous forme d'ions aluminates et gallates hydratés. La solution est ensuite diluée et refroidie, puis on ajoute de petites quantités d'hydroxyde d'aluminium afin de provoquer la précipitation des ions aluminantes, mais pas celle des ions gallates car ils sont présents en quantités trop faibles. Le même processus est répété pluseurs fois, ce qui a pour effet de concentrer les ions gallates, que l'on récupère par électrolyse sur une cathode de mercure, avec lequel ils forment un almalgame. Cet amalgame est ensuite décomposé par action de la soude, ce qui donne du gallate de sodium pratiquement pur, sans aluminium, qui est à nouveau électrolysé sur une cathode d'acier inoxydable. On obtient de la sorte du gallium pur à 99%. Après avoir été filtré sous vide et lavé à l'acide chlorhydrique, on obtient une pureté de 99,99%, ce qui reste insuffisant (et de loin) pour fabriquer des composants électroniques (semi-conducteurs). Il faut donc le raffiner, ce qui se fait généralement par croissance d'un monocristal dans un bain de gallium liquide, de façon à obtenir du gallium ultrapur (à 99,99999%).

En 2022, production mondiale de gallium dit primaire (pur à 99,99%) est de 870 tonnes, la Chine étant loin en tête avec 540 tonnes.

Quelques exemples d'utilisation du gallium

- Le gallium sert principalement à fabriquer des matériaux semi-conducteurs, en particulier de l'arséniure de gallium (GaAs) et du nitrure de gallium (GaN), utilisés pour confectionner des diodes électroluminescentes (DEL) et des puces.

- Le nitrure de gallium est à l'origine de la lumière bleue émise par les lasers des disques blu-ray.

- Depuis que le mercure est interdit dans les thermomètres, on utilise parfois du galinstan, alliage de gallium, d'indium et d'étain, liquide à température ambiante (et jusqu'à -19°C).

- Le gallium 67 (69Ga), radio-actif, est utilisé en imagerie médicale pour détecter les sites d'infections localisées (ostéomyélites (infections osseuses), pneumonies, tuberculose), ainsi que les lymphomes (tumeurs malignes du système lymphatique) et les carcinomes (cancers de la peau).





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