Le bore (Z = 5)

Le bore possède deux isotopesOn appelle isotopes des atomes ayant le même nombre de protons, mais qui différent par leur nombre de neutrons. stables (non radioactif) : le bore 10 (noté 10Be), dont le noyau comporte 5 protons et 5 neutrons, et le bore 11 (ou 11Be), qui possède un neutron supplémentaire, et qui majoritaire à près de 80 %.

Origine du bore

A l'instar du béryllium 9, l'élément bore, ne pouvant être fabriqué dans le cœur des étoiles, se forme principalement dans le milieu interstellaire, selon un mécanisme appelé spallation cosmique, qui consiste en la fission d'atomes plus gros sous l'action des rayons cosmiques, ces particules de (très) haute énergie qui circulent dans l'espace à des vitesses parfois proches de celle de la lumière.

Un peu d'histoire

La découverte du bore s'est faite en plusieurs étapes. Il a d'abord été isolé en 1808 par les chimistes Humphry davy, Joseph Louis Gay-Lussac et Louis Jacques Thénard, mais les échantillons obtenus n'étaient pur qu'à 50 %. Il faut attendre l'année 1909 pour qu'enfin l'on parvienne à obtenir du bore pratiquement pur.

Où trouve-t-on du bore sur Terre ?

Dans la nature, on ne trouve jamais de bore à l'état pur, mais toujours combiné à d'autres substances, principalement sous forme de borax (borate de sodium hydraté) et d'acide borique (issu des fumerolles volcaniques). Le borax tire son nom du persan "boûraq" signifiant "blanc-brillant". Découvert dans des lits de lacs asséchés au Tibet, il est connu depuis l'Antiquité, notamment des Romains qui l'utilisaient pour fabriquer du verre. Il forme des cristaux pouvant présenter différents aspects : plus ou moins transparents, parfois jaunâtres !, parfois bleuâtres, ou même blanchâtres comme ci-dessous.

Cristaux de borax
Cristaux de borax.
Crédit : Aram Dulyan

Actuellement, les plus gros producteurs mondiaux de bore sont la Californie et la Turquie (qui détient environ 73 % des réserves mondiales connues).

Propriétés du bore

Le bore à l'état pur peut se présenter sous l'aspect d'une poudre brune, ou au contraire sous la forme d'un solide cristallin extrêmement dur, de couleur noire (on appelle cela des variétés allotropiques). Il s'agit d'un élément réfractaire, dont la température de fusion est de 2075°C. Pur, il conduit mal l'électricité à température ambiante, mais devient un meilleur conducteur à température plus élevée.
Sous de très fortes pressions (de l'ordre de 100 000 bars), il peut donner un cristal ionique à lui tout seul, certains de ses atomes se transformant en anions, d'autres en cations.

Quelques exemples d'utilisation du bore

- L'oxyde de bore entre dans la composition des verres à borosilicates comme le Pyrex, adaptés aux températures élevées et présentant une bonne résistance aux chocs thermiques.

Matériel en verre borosilicate
Matériel de laboratoire
en verre borosilicate

- Le borax est un véritable produit à tout faire. Il intervient dans la fabrication de la fibre de verre isolante (il abaisse la température de fusion du verre), est utilisé comme désinfectant, insecticide, fongicide, ou encore comme conservateur. En ferronnerie (et en coutellerie), il est employé comme fondant pour réaliser des soudures propres et solides (il empèche l'oxyde de fer de se former au sein de la soudure).

- Le perborate de sodium est utilisé comme agent de blanchiment dans certaines lessives.

- Dans l'industrie nucléaire, l'isotope 10 du bore est employé comme absorbeur de neutrons dans certains réacteurs, afin d'empêcher que ces derniers ne s'emballent.

- Dans le domaine médical, l'acide borique à 3 % (eau boriquée) est utilisée comme antiseptique pour laver les muqueuses fragiles, en particulier celles des yeux en cas de rougeurs.

- Dans les feux d'artifice, le bore est employé pour obtenir la couleur verte.

Feu d'artifice
Feu d'artifice
Crédit : Ken Thomas

- C'est cette même couleur verte que l'on voit apparaître dans les flammes de certains lanceurs (Saturne V autrefois, Falcon 9 aujourd'hui) au moment où leurs moteurs principaux s'allument, le triéthylborane permettant leur mise à feu.

- Le nitrure de bore, presque aussi dur que le diamant mais beaucoup plus résistant à la chaleur, est parfois utilisé comme abrasif pour usiner l'acier.

- Le carbure de bore est une céramique à peine moins dure que le nitrure de bore, mais plus résistante à l'usure. Plutôt inerte chimiquement (il résiste à l'acide fluorhydrique), il ne fond qu'à 2 300°C alors qu'il est très léger (environ 2,5 g / cm3). Ces qualités font qu'il est souvent employé pour fabriquer des blindages de chars d'assaut et des plaques de gilets pare-balles.

Echantilon de carbure de bore
Echantilon de carbure de bore

- L'acide borique entre dans la compositions de certains textiles. L'acide borique et les sels de bore sont également utilisé comme insectisides (notamment contre les termites) et fongicides.

- Le bore est utilisé pour doper le silicium dans l'industrie des semi-conducteurs.

Cette liste n'est pas exhaustive...





Le silicium (Z = 14)

Le silicium représente près de 28 % de la masse de la croûte terrestre, où il est présent principalement sous forme de dioxyde de silicium (silice) et de silicates. Il ne vient toutefois qu'en deuxième position, l'oxygène occupant de loin la première place (avec 46 % de la masse totale). Si l'on prend maintenant l'univers dans son ensemble, le silicium occupe la huitième place en terme d'abondance, juste derrière l'azote. Il possède trois isotopesOn appelle isotopes des atomes ayant le même nombre de protons, mais qui différent par leur nombre de neutrons. stables : le silicium 28 (28Si), pour 92 %, le silicium 29 (29Si), pour 5 %, et le silicium 30 (30Si), pour 3 %.

Origine du silicium

Le silicium se forme au coeur des vieilles étoiles massives. Lorsqu'elles en sont au stade de la fusion du carbone, ces dernières produisent du sodium 23 (23Na), du néon 20 (20Ne), du magnésium 23 (23Mg) et, dans une moindre mesure, du magnésium 24 (24Mg), qui réagit à son tour avec de l'hélium 4 pour donner du silicium 28 (28Si) :

24Mg + 4He ---> 28Si + rayons gammas

Un peu plus tard, et sous réserve que l'étoile soit suffisamment massive (au moins huit masses solaires), la fusion de l'oxygène prend le relai. Il se forme alors du phosphore (30 et 31), du soufre (31 et 32), du magnésium 24 et du silicium (28 et 30), selon les réactions suivantes :

16O + 16O ---> 28Si + 4He

16O + 16O ---> 30Si + 2 1p (protons)

La température qui règne au coeur de l'étoile est alors d'environ deux milliards de kelvins. Une fois l'oxygène épuisé, une dernière étape, très courte, marque les tout derniers instants de notre étoile : la fusion du silicium. Celle-ci ne dure tout au plus qu'une journée, et se solde par l'explosion de l'étoile (supernova de type II).

Un peu d'histoire

Il faut attendre l'année 1823 pour que le savant suédois Jöns Jacob Berzelius (1779-1848) parvienne à isoler le silicium. Cet élément tire son nom du latin "silex", qui signifie "pierre dure" ou "caillou".

Jöns Jacob Berzelius
Jöns Jacob Berzelius,
par Olof Johan Södermark

Propriétés du silicium

A l'état cristallin, le silicium se présente sous forme d'un solide de couleur gris ardoise, tandis qu'à l'état amorphe, il se présente sous l'aspect d'une poudre gris-brun.

Silicium à l'état cristallin
Silicium à l'état cristallin

Le principal intérêt du silicium réside dans le fait qu'il s'agit d'un semi-conducteur, c'est-à-dire que sa conductivité électrique est intermédiaire entre celle des isolants et celle des métaux (nous y reviendrons).
Dans les CNTPLes CNTP ou conditions normales de température et de pression sont considérées de façon arbitraire comme étant les conditions d'expérimentation et de mesure en laboratoire, définies par une température de 0°C (273,15 K) et une pression de 1 atmosphère (soit 101 325 Pa ou 1,013 bars). (conditions normales de température et de pression), sa température de fusion est de 1414°C. Il présente un point commun avec l'eau : contrairement à la plupart des substances, il est plus dense à l'état liquide qu'à l'état solide. Plutôt cassant lorsqu'il est à l'état solide, il réagit au contact de l'air et se recouvre rapidement d'une couche protectrice (imperméable) d'oxyde d'aluminium (SiO2).
Dans la nature on le trouve essentiellement sous forme de silice (SiO2), que ce soit à l'état libre (quartz, calcédoine...), ou combinée à d'autre oxydes (il s'agit alors de silicates). Certaines variétés de sable ne sont d'ailleurs rien d'autre que de la silice pratiquement pure. De même, nombre de pierres fines (agathes, opales, améthystes...) sont constituées de silice hydratée.
Les diatomées, organismes microscopiques présents dans tous les milieux aquatiques, utilisent de la silice pure pour se construire une sorte d'enveloppe solide, qui fait en quelque sorte office de squelette externe.

Diatomées observées au microscope
Diatomées observées au microscope
Crédit : Gordon T. Taylor, Stony Brook University

Mais il n'y a pas que les diatomées qui font appel à cet élément. Les poils des orties, pour ne prendre que cet exemple, finissent par de petits "éperons" très pointus en silice, qui s'enfoncent dans la peau, permettant ainsi l'injection de liquide urticant (de l'acide formique).
Dans le corps humain, le silicium contribue à la fixation du calcium dans les os, et intervient dans la synthèse de certaines protéines comme le collagène et l'élastine, qui participent à l'élasticité des parois artérielles et de la peau. Il joue également un rôle dans le bon fonctionnement de notre système immunitaire.

Production industrielle du silicium

Le silicium pur est obtenu par réduction de la silice (SiO2) à l'aide de carbone, dans un four à arc électrique, selon la réaction :

SiO2 + 2 C ---> 2 CO + Si

Comme il peut se former du carbure de silicium (SiC) indésirable, on fait en sorte que le dioxyde de silicium soit en excès afin de prévenir son accumulation. On obttient alors la réaction suivante :

SiC + SiO2 ---> 3Si + 2 CO

La silice introduite dans le creuset (four) se présente généralement sous forme de morceaux de quartz, tandis que le carbone (qui joue le rôle de réducteur), peut être apporté par du charbon de bois, de la houille, du coke... selon le degré de pureté que l'on souhaite atteindre. Il y règne une température d'environ 1 700°C (qui peut atteindre 3 000°C au niveau des arcs électriques produits par les électrodes), ce qui permet d'obtenir du silicium à l'état liquide, présentant un degré de pureté de l'ordre de 99% (on parle ici de qualité métallurgique).
Si le silicium est destiné à un usage électronique, il faut le purifier, ce qui se fait en plusieurs étapes. Porté à une température de 300°C, le silicium est dans un premier temps transformé en trichlorosilane (SiHCl3) à l'aide de chlorure d'hydrogène :

Si + 3 HCl –––> SiHCl3 + H2

Le SiHCl3 est ensuite distillé puis réduit par le dihydrogène (aux environs de 1 000°C), ce qui permet d'obtenir du silicium polycristallin, constitué d'une multitudes de petits cristaux présentant différentes tailles et formes.

Barreau de silicium polycristallin
Barreau de silicium polycristallin
Crédit : Warut Roonguthai

La dernière étape consiste à transformer le silicium polycristallin en silicium monocristallin, la méthode généralement employée (à plus de 80%) étant celle dite de "Czochralski". Il faut pour cela plonger un germe de silicium monocristallin dans un bain de silicium fondu, maintenu à une température tout juste supérieure au point de fusion. Le silicium liquide va se solidifier progressivement sur le germe, que l'on tire lentement vers le haut tout en le faisant tourner. On obtient ainsi un cristal unique de grande taille, en forme de lingot cylindrique, long d'environ 2 m pour une masse généralement comprise entre 60 et 100 kg.

Procédé Czochralski
Procédé de Czochralski

Les lingots ainsi obtenus sont ensuite découpés en fines tranches appelées wafers, dont le diamètre peut varier de 25 mm à 300 mm, pour une épaisseur d'environ 0,7 mm. Ces wafers sont ensuite dopés (on leur ajoute des impuretés en petites quantités) et gravés afin de fabriquer des circuits intégrés, des transistors...

Wafers de différentes tailles
Wafers gravés de différents diamètres

En 2019, ce sont environ 3,1 millions de tonnes de silicium qui ont ainsi été produites au niveau mondial, la Chine arrivant largement en tête, avec 2,2 millions de tonnes.

Quelques exemples d'utilisation du silicium

- Le silicium, en raison de son caractère semi-conducteur, joue un rôle clé en électronique, puisqu'il intervient dans la fabrication des transistors et des circuits intégrés (puces). Ce domaine nécessite l'utilisation de silicium dont le degré de pureté peut atteindre, voire dépasser 99,999 999 99 %. Le silicium ainsi obtenu est ensuite dopé avec des impuretés (bore, arsenic, gallium...) afin d'obtenir les propriétés souhaitées.

Circuits intégrés
Circuits intégrés
Crédit : Kimmo Palosaari

- Toujours en raison de son caractère semi-conducteur, le silicium entre dans la fabrication des cellules solaires photovoltaïques.

Cellule photovoltaïque
Cellule photovoltaïque

- Les silicones (ou polysiloxanes) sont des polymères constitués de chaînes d'atomes où alternent le silicium et l'oxygène (...Si-O-Si-O-Si-O-Si-O...), chaînes sur lesquelles viennent se greffer d'autres groupes d'atomes, le plus souvent des groupes méthyle (CH3-). Les silicones sont utilisés sous forme de mastics pour joints, de colles, de graisses résistantes à l'eau, de gaines isolantes de cables électriques, de moules mous et d'ustensiles de cuisine, de cosmétiques, de prothèses médicales...

Brosse à patisserie en silicone
Brosse à patisserie en silicone
Crédit : Evan-Amos

- Les alliages aluminium-silicium (comme l'Alpax) sont couramment employés pour fabriquer des pièces moulées, notamment dans les secteurs de l'automobile (jantes) et de l'aéronautique (moteurs d'avions).

- Le carbure de silicium, ou carborundum, est une céramique réfractaire (elle fond à 2700°C), ultradure (plus dure que les corindons), utilisée comme abrasif (meules) ainsi que dans les plaques de certains gilets pare-balles.

- Le verre, fabriqué à partir de sable, est principalement constitué d'oxyde de silicium, ou silice (SiO2). Cette dernière ayant une température de fusion plutôt élevée (environ 1750°C), on lui ajoute un "fondant" (généralement de la soude) afin d'abaisser cette température aux alentours de 1400 - 1500°C. On ajoute également du calcium (sous forme de chaux) pour empêcher la cristallisation du verre lors du refroidissement, ainsi que divers additifs afin de le colorer (l'oxyde de fer lui donne une teinte verdâtre) ou d'améliorer ses performances.

Bouteille en verre
Bouteille en verre
Crédit : Matthew Bowden

- Le ciment est obtenu à partir d'un mélange de calcaire (qui apporte du calcium) et d'argile, roche sédimentaire constituée d'aluminosilicates hydratés. Porté à très haute température (entre 1400 et 1500°C), ce mélange est progressivement transformé en clinker. Après cuisson, celui-ci est refroidi puis broyé jusqu'à obtention d'une poudre, principalement constituée de silicates de calcium et d’aluminates de calcium.





Le germanium (Z = 32)

Le germanium possède 32 isotopesOn appelle isotopes des atomes ayant le même nombre de protons, mais qui différent par leur nombre de neutrons. connus, mais seuls cinq d'entre eux sont stables : le germanium 70 (70Ge) pour 20,4%, le germanium 72 (72Ge) pour 27,3%, le germanium 73 (73Ge) pour 7,8%, le germanium 74 (74Ge) pour 36,7%, et enfin le germanium 76 (76Ge) pour 7,8%.
Peu abondant dans la croûte terrestre (sans être rare pour autant), son clarke, autrement dit sa teneur massique moyenne, est de 1,8 ppm (partie par million), soit 1,8 g/tonne.

Origine du germanium

Le germanium est essentiellement produit par capture de neutrons, lors de l'explosion d'étoiles massives, selon un mécanisme appelé processus r, la lettre r signifiant qu'il s'agit d'un processus de capture rapide, nécessitant un flux de neutrons très élevé.

Un peu d'histoire

Dès 1871, l'existence du germanium est "prophétisée" par Dmitri Mendeleïev, le célèbre chimiste russe à qui l'on doit le tableau périodique des éléments. Il le nomme par anticipation "éka-silicium", ce qui signifie "après le silicium", car dans son tableau, il est situé juste sous le silicium, dans la même colonne.

Dmitri Mendeleïev
Dmitri Mendeleïev

Il faut attendre le 6 février 1886 avant que le chimiste allemand Clemens Winkler ne le découvre, dans un minéral appelé Argyrodite !, un sulfure d'argent (d'où son nom) et de germanium, et décide de lui donner le nom de germanium en référence à sa patrie. Il faut dire que quelques années auparavant (en 1875 pour être précis), le chimiste français Paul-Émile Lecoq de Boisbaudran avait frappé fort en donnant à un nouvel élément le nom de gallium, "en l'honneur de la France". Winkler ne voulait donc pas être en reste.

Clemens Winkler
Clemens Winkler

Propriétés du germanium

Lorsqu'il est pur, le germanium se présente sous forme d'un solide dur et brillant, dont la une masse volumique est de 5,3 g/cm3 et la température de fusion de 938°C. A l'instar du silicium, il s'agit d'un semi-conducteurUn semi-conducteur est un matériau dont la conductivité électrique est intermédiaire entre celle des isolants et celle des métaux. .
Bien que présent en petites quantités dans certains végétaux (on en trouve notamment dans les racines de ginseng et dans l'ail), on pense qu'il n'est pas essentiel pour l'homme. En revanche, à doses importantes, il s'avère être toxique pour les nerfs et les reins.

Production industrielle du germanium

Comme il n'existe pas de gisement de germanium à proprement parler, celui-ci est, à près de 80%, récupéré en tant que co-produit de l'exploitation du zinc. Lors du grillageLe grillage d'un minerai consiste à chauffer celui-ci aux alentours de 500 à 600°C, dans une atmosphère oxydante, ce qui permet d'éliminer le soufre et le fer qu'il contient. des minerais de sulfure de zinc, le germanium se retrouve sous forme oxydée dans les poussières et les résidus, mélange d'oxydes appelé "calcine". La réaction est la suiva,te :

GeS2 + 3 O2 ---> GeO2 + 2 SO2

Le dioxyde de germanium est ensuite réduit à l'aide de dihydrogène :

GeO2 + 2 H2 ---> Ge + 2 H2O

En 2021, la production mondiale de germanium s'élevait à 140 tonne, la Chine occupant la première place (avec 95 tonnes).

Quelques exemples d'utilisation du germanium

- Au sortir de la seconde guerre mondiale, les premières diodes à semi-conducteur (qui ont remplacé les tubes à vide) font appel au germanium, car ce dernier ne nécessite pas d'être absolument pur, contrairement au silicium, qui le remplacera dans les années 1970.

- Le germanium intervient dans la fabrication des fibres optiques car, associé au silicium, il offre une excellente transmission dans le domaine des infrarouges.

- Toujours en optique, le germanium présentant une grande transparence aux infrarouges, il permet de fabriquer des fenêtres ou lentilles utilisées en imagerie thermique.

- Le germanium est utilisé comme catalyseur dans les réactions de polymérisation du PolyÉthylène Téréphtalate (PET), utilisé dans la fabrication des bouteilles et des emballages alimentaires.

- Certains panneaux photovoltaïques contiennent du germanium.





L'arsenic (Z = 33)

L'arsenic fait partie du 15ème groupe (15ème colonne) de la classification périodique, appelé parfois groupe des pnictogènes (du grec "pnigein" signifiant "asphyxier"), auquel appartiennent également l'azote, le phosphore, l'antimoine et le bismuth. Il possède 33 isotopesOn appelle isotopes des atomes ayant le même nombre de protons, mais qui différent par leur nombre de neutrons. connus, mais un seul d'entre eux est stable, l'arsenic 75 (75As).
Peu abondant dans la croûte terrestre (sans être rare pour autant), son clarke, autrement dit sa teneur massique moyenne, est de 1,5 ppm (partie par million), soit 1,5 g/tonne.

Origine de l'arsenic

L'arsenic est essentiellement produit par capture de neutrons, lors de l'explosion d'étoiles massives, selon un mécanisme appelé processus r, la lettre r signifiant qu'il s'agit d'un processus de capture rapide, nécessitant un flux de neutrons très élevé.

Un peu d'histoire

L'arsenic (et ses composés) est connu depuis fort longtemps. Il tire son nom du perse "zarnikh", servant à désigner le trisulfure d'arsenic (As2S3), responsable de la couleur jaune de l'orpiment, minéral utilisé comme pigment en peinture.

Echantillon d'orpiment
Echantillon d'orpiment
Crédit : James St. John

En grec, zarnikh se changera en "arsenikos", terme signifiant "qui dompte le mâle", tant les propriétés de l'arsenic (notamment sa toxicité) sont marquées. Dans l'Antiquité, les composés de l'arsenic sont utilisés en métallurgie (ils permettent de durcir les métaux), en art (comme pigments), ainsi qu'en médecine, sous forme d'orpiment (As2S3) et de réalgar (As4S4). Hippocrate l'emploie déjà quatre siècles avant notre ère pour traîter les ulcères cutanés, la syphilis et le paludisme, tandis que la médecine chinoise en fait usage pour soigner l'anémie et la tuberculose. Bien entendu, il est également connu (et utilisé) en tant que poison. C'est ainsi que l'empereur Claude en fait les frais, empoisonné en l'an 54 par son épouse Agrippine la Jeune, mère du futur empereur Néron.
Au VIIIème siècle, l'alchimiste arabe Geber (Jabir ibn Hayyan) parvient à isoler le trioxyde d'arsenic (As2O3), qui se présente sous forme d'une poudre blanche (d'où son surnom d'arsenic blanc), parfaitement insipide et inodore. Autrement dit, le poison idéal...

Arsenic blanc
Arsenic blanc

En 1250, Albert le Grand, frère dominicain enseignant à Paris (où il aura pour élève saint Thomas d'Aquin), fait chauffer de l'arsenic blanc (trioxyde d'arsenic), dans de l'huile d'olive et obtient un précipité gris métallisé : sans le savoir il venait d'isoler, pour la première fois, l'élément arsenic.
Sous Louis XIV, suite à la fameuse affaire des poisons, l'arsenic blanc est surnommé "poudre de succession" car ce poison permet, à ce que l'on dit, d'obtenir son héritage plus rapidement que prévu.

Poudre de succession
Pot de poudre de succession

En 1778, le chimiste suédois Carl Wihelm Scheele met au point un pigment vert à partir d'arsenic, de cuivre et de potassium. Le "vert de Scheele", puisque tel est son nom, sera remplacé en 1814 par une version plus concentrée, le "vert de Schweinfurt" (du nom de la ville où il fut inventé), appelé encore "vert émeraude" ou "vert de Paris", fruit de la combinaison d’acétate de cuivre avec du trioxyde d’arsenic (ce qui donne de l'acéto-arsénite de cuivre). Toujours est-il que cette couleur connaît un grand succès, notamment dans l'Angleterre victorienne, et trouve un tas d'applications : peinture, papiers peints, robes, châles, gants, jouets pour enfants, mais également... mort-aux-rats, ce qui aurait dû, semble-t-il, inciter à la prudence. Eh bien non ! Certains confiseurs, sans doute mal informés, iront même jusqu'à teinter leurs bonbons (oui, vous avez bien lu !) avec cette substance, ce qui pouvait entraîner nausées, violentes diarrhées, voire pire selon la dose ingérée !

Papier peint vert
Papier peint teinté au vert de Paris.
Par Georg Friedrich Kersting, 1812

Les papiers peints au vert de Paris, populaires au XIXè siècle, présentent un réel danger lorsque l'atmosphère est humide. En effet, certaines moisissures transforment l'arsenite en triméthylarsine, substance très volatile, qui provoque nausées, sensations de faiblesse et étourdissements aux malheureux qui passent trop de temps en sa présence. Quant aux serre-têtes ornés de feuillages, très en vogue à cette époque, ils ne sont pas moins malsains : non seulement certains d'entre eux peuvent contenir assez d'arsenic pour tuer une vingtaine de personnes, mais les malheureuses ouvrières chargées de leur confection doivent manipuler et respirer de la poudre de vert arsenical à longueur de journée, avec les conséquences que l'on imagine...

Malgré tous ces inconvénients, l'arsenic continuera d'être utilisé comme médicament jusqu'à notre époque, ce que nous allons voir au travers de quelques exemples.
- Au XVIIème siècle, le médecin Pierre Alliot, né à Bar-le-Duc en 1610, l'intègre dans des remèdes de sa composition, notamment pour soigner le cancer du sein. Atteinte de cette affection, Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, va faire appel à ses services en 1665, mais elle décèdera moins d'un an plus tard.
- En 1786, un certain Thomas Fowler met au point un médicament à base d'arsénite de potassium (KAsO2), la "liqueur de Fowler", qui sera utilisée comme tonique pendant près de 150 ans.
- Au début du XXème siècle (vers 1910), l'allemand Paul Ehrlich met au point l'arsphénamine, médicament à base d'arsenic commercialisé sous le nom de "Salvarsan". Utilisé avec succès contre la syphilis (avant que la pénicilline ne le remplace) et dans le traitement de certains cancers, ce produit vaut à Paul Ehrlich d'être considéré comme le père de la chimiothérapie moderne.

Paul Ehrlich
Paul Ehrlich, en 1915

Et de nos jours, qu'en est-il ? Eh bien dans les années 1990, des médecins chinois de l'hôpital de Harbin (en Mandchourie) constatent que le trioxyde d’arsenic (As2O3) s'avère efficace dans le traitement de certaines leucémies aigües (dites promyélocytaires). Hélas, une compagnie américaine, Genta, créée ex nihilo pour l'occasion, s'emparera de cette découverte en déposant (en 1998) un brevet sur l'usage clinique du trioxyde d'arsenic soluble, ce que n'avaient pas pensé à faire les chercheurs chinois. Genta sera par la suite rachetée par Cell Therapeutics, puis en 2005 par Cephalon, filiale de la société israélienne Teva Pharmaceutical Industries, qui vendra ce produit à prix d'or (50 000 dollars la cure complète), au mépris des malades les moins fortunés qui ne pourront dès lors plus y avoir accès.
Toujours dans le domaine médical, le trioxyde d’arsenic permettrait de soigner certaines maladies auto-immunes, en particulier le lupus érythémateux, qui survient lorsque le système immunitaire cherche à lutter contre les cellules de son propre organisme, ce qui peut affecter différents organes : peau, articulations, reins, coeur...

Evidemment, tout cela ne doit pas nous faire oublier que l'arsenic reste avant tout un dangereux poison. C'est ainsi que pratiquement 19 siècles après l'assassinat perpétré par Agrippine la Jeune, un feuilleton judiciaire va défrayer la chronique dans notre pays : l'affaire Marie Besnard. Le 21 juillet 1949, cette habitante de Loudun est inculpée pour le meurtre douze personnes (son mari, sa mère, son père, et une dizaine de proches), qui seraient toutes mortes par empoisonnement à l'arsenic. Cette histoire sordide fera d'ailleur fait l'objet d'un film diffusé en 1986, "L'Affaire Marie Besnard", où la non moins célèbre Alice Sapritch tiendra le rôle de l'accusée. Toutefois, faute de preuves, Marie Besnard (qui niera tout en bloc) se verra finalement acquittée en décembre 1961, après neuf années d'un interminable procès. En 1962, elle publiera ses mémoires, et s'éteindra à Loudun le 14 février 1980, à l'âge respectable de quatre-vingt-trois ans, emportant avec elle son terrible secret dans la tombe.

Marie Besnard
Marie Besnard et ses défenseurs
au procès de Poitier - février 1952
Caricature de Maurice Tournade

Propriétés de l'arsenic

Le corps simple arsenic se présente le plus souvent sous la forme d'un solide cristallin argenté, mais il existe en réalité sous trois formes allotropiques (c'est-à-dire cristallines) différentes : l'arsenic jaune (As4), à ne pas confondre avec l'orpiment, l'arsenic noir et l'arsenic gris (le plus stable à température ambiante). On le trouve parfois à l'état natif (donc pur), mais il est généralement associé à d'autres éléments (soufre, fer, nickel, cobalt, antimoine, or, argent). Dans la nature, il existe sous forme organique (lié à des molécules contenant du carbone) ainsi que sous trois formes inorganiques distinctes : arsenic rouge ou réalgar (As4S4), arsenic jaune ou orpiment (As2S3), et arsenic blanc ou trioxyde d'arsenic (As2O3).

Réalgar
Réalgar provenant des mines
de Green River Gorge
(état de Washington)
Crédit : Robert M. Lavinsky

Lorsqu'il est chauffé, l'arsenic commence à se sublimer vers 300°C, et il se sublime totalement à 615°C, soit bien en dessous de sa température de fusion (817°C). Au-delà de cette température, il ne peut donc se trouver à l'état liquide que sous de fortes pressions (au moins 36 atmosphères).
Ses propriétés chimiques sont assez proches de celles du phosphore, élément situé juste au dessus de lui dans la même colonne. Insoluble dans l'eau, il se recouvre dans l'air humide d'une couche de trioxyde de d'arsenic. Dans l'oxygène, il brûle avec une flamme verdâtre, en donnant des fumées toxiques (trioxyde de d'arsenic). Porté à haute température, il se volatilise en dégageant une odeur d'ail.
L'arsenic organique (donc combiné à du carbone et à de l'hydrogène) est considéré comme un oligo-élémént : il intervient dans la stimulation du système immunitaire et dans la régulation de l'expression de certains gènes notamment ceux reponsables de la croissance des os et des dents). Nos besoins quotidiens (de 0,01 à 0,02 mg/jour) sont largement couverts par l'alimentation, les principales sources étant le poisson (en particulier le congre et la roussette)), les crustacés, la volaille, les produits laitiers et les céréales, en particulier le riz (selon certaines études, il en absorberait dix fois plus que les autres céréales).

Riz complet basmati
Riz complet basmati

En excès, l'arsenic est par contre à l'origine de nombreux désagréments : irritation de l'estomac et de l'intestin, problèmes de peau, irritation des poumons, voire, si l'exposition est importante, des risques de cancers (du poumon, des reins, du foie...), de fausses couches... Le problème se pose dans les pays où l'arsenic est naturellement présent à des concentrations élevées dans les eaux souterraines, comme par exemple au Bangladesh. A dose très importante, il inhibe le fonctionnement des enzymes qui interviennent dans le métabolisme (ensemble des réactions chimiques qui se produisent dans nos cellules), ce qui entraîne... la mort.

Production industrielle de l'arsenic

Dans la nature, on trouve généralement l'arsenic associé à d'autres éléments dans des arséniosulfures, le principal étant l’arsénopyrite (FeAsS), ainsi que sous forme de sulfures (orpiment et réalgar). De nos jours, il est essentiellement coproduit lors de l'extraction d'autres métaux tels que le cuivre, le plomb, le zinc, le cobalt, ou encore l’or et l’argent.
Les minerais contenant l'arsenic sont tout d'abord grillés, ce qui permet d'obtenir du trioxyde d'arsenic (As2O3) à l'état gazeux, qui est ensuite dissous dans de l’eau puis précipité sous forme d’arséniate de calcium Ca3(AsO4)2 ou d’arséniate ferrique Fe(AsO4) adsorbé sur de l'oxohydroxyde de fer(III) (FeO(OH)), ce qui permet de le stocker sous forme stable, la production d'arsenic excédant de loin la consommation.
Quant à l'arsenic pur, il est obtenu par réduction du trioxyde d'arsenic à l'aide de dihydrogène, selon la réaction :

As2O3 + H2 ---> 2As + 3H2O

En 2022, près de 61 000 tonnes de trioxyde d'arsenic ont été produites au niveau mondial, les principaux producteurs étant le Pérou (avec 28 000 t) et la Chine (24 000 t).

Quelques exemples d'utilisation de l'arsenic

- De petites quantités d'arsenic et d'antimoine sont ajoutées aux plombs des cartouches de chasse afin de les rendre un peu plus durs.

- Dans de nombreux pays, les bois résineux exposés à l'humidité (poteaux électriques et téléphoniques, traverses de chemin de fer...) sont traités à l'arséniate de cuivre chromé (ACC), pour les protéger contre les champignons et les insectes. La législation française a interdit son usage en raisonde sa toxicité.

- Une fine couche de trisélénure d'arsenic recouvre le tambour (cyclindre) des photocopieurs, tambour sur lequel est diffusée une charge électrostatique positive. Dans le noir, ce matériau est isolant, mais il devient conducteur en présence de lumière, ce qui permet d'éliminer la charge électrique. La poudre noire contenue dans le toner, chargée négativement, est attirée uniquement par les régions du tambour où la charge électrique est restée (donc dans les zones d'ombre), avant d'aller se déposer sur les feuilles de papier que l'on souhaite imprimer.

- Les semi-conducteurs à base d'arséniure de gallium (GaAs) ou d'indium (InAs) sont utilisés pour fabriquer des cellules photovoltaïques, des diodes électroluminescentes et des transistors.

Cellules photovoltaïques à l'arséniure de gallium
Cellules photovoltaïques
à l'arséniure de gallium
Crédit : United States Naval Academy

- L'arsenic a été employé sous forme de roxarsone (ou acide 3-nitro-4-hydroxyphénylarsonique pour les intimes), comme additif alimentaire pour les porcs et les volailles afin d'accélérer leur croissance et de les protéger contre certaines maladies parasitaires. Son usage a été interdit en 1999 par l'Union Européenne.

- L'arséniate de sodium (Na3AsO4) a été utilisé dans le domaine viticole pour lutter contre l'esca, maladie de la vigne due à des champignons parasites. Elle a été interdite en 2002 par la législation française

Esca de la vigne
Esca de la vigne
Crédit : Bauer Karl

- Durant la Première Guerre mondiale, l'armée allemande employait trihydrure d'arsenic ou arsane (AsH3), gaz incolore et très toxique. Associé à d'autres gaz tels que l'ypérite (le terrible gaz moutarde), il parvenait à diffuser à travers les filtres des masques à gaz, provoquant quintes de toux et vomissements , ce qui obligeait les soldats à retirer leurs masques et à respirer l'ypérite. Bref, encore une belle invention dont l'humanité peut s'enorgueillir...





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